Le septième épisode de notre série sur les « Pourquoi » du golf va nous permettre de parler chiffon. Et de s’interroger sur les origines des codes vestimentaires de ce sport qui, malgré de nombreuses évolutions dans ce domaine, reste encore très codifié quand il s’agit de se faire un look.
Sur un parcours de golf, la tenue vestimentaire ne passe jamais inaperçue. Polo à col, pantalon chic ou ceinture tressée, chaussures spécifiques : le golfeur semble obéir à un code précis. Mais d’où vient cette rigidité vestimentaire, et pourquoi un simple jean peut-il encore susciter des regards réprobateurs ?
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La première explication est historique. Le golf s’est développé comme un sport pratiqué par les élites britanniques à partir du XVIIIᵉ et du XIXᵉ siècle. À cette époque, le vêtement est un marqueur social fondamental. On ne s’habille pas de la même manière selon que l’on travaille, que l’on se promène ou que l’on pratique un loisir.
Le golf, perçu comme un jeu de gentlemen, adopte naturellement une tenue associée à la respectabilité : pantalon droit, chemise à col, parfois veste ou pull. Cette tradition s’est transmise presque intacte, bien après la disparition du contexte social qui l’a vue naître.
Dis moi quel pantalon tu portes, je te dirais quel golfeur tu es
Le golf n’est pas seulement un sport technique, c’est aussi une culture. L’étiquette y occupe une place centrale : il faut faire silence pendant le swing, il faut faire preuve d’honnêteté dans le comptage des coups (et dans l’application des règles), il faut montrer du respect envers le terrain et les autres joueurs.
La tenue vestimentaire s’inscrit dans cette logique. Porter une tenue « correcte » est perçu comme une façon de montrer son respect, envers les lieux, les autres, et tout simplement envers l’histoire du golf.
Les codes vestimentaires contribuent à l’identité du golf. En entrant sur un parcours, on doit reconnaître immédiatement l’univers dans lequel on se trouve. Cette cohérence visuelle rassure certains pratiquants et perpétue une tradition valorisée.
Le rejet du jean notamment n’est pas qu’une question d’esthétique, même si celle-ci joue un rôle important. Le jean est historiquement associé au monde du travail manuel, puis à la culture populaire et à la contestation des normes établies.
Dans l’imaginaire collectif des clubs de golf, il symbolise donc une forme de désinvolture.
Depuis plusieurs années, les mentalités évoluent. Les marques proposent des vêtements plus modernes et plus performants, inspirés du sportwear. Certains parcours assouplissent leurs règles, acceptant par exemple des bermudas plus courts ou des tenues plus colorées. Il est désormais rare de voir un champion s’habiller comme au siècle dernier avec un pantalon ample, une casquette plate ou les pulls en cachemire col en V façon Arnold Palmer. Cette image était incarnée à l’extrême par l’ancien double vainqueur de l’U.S. Open, Payne Stewart, qui aimait porter dans les années 90 des chaussettes hautes écossaises avec des knickerbockers (pantalons bouffants s’arrêtant sous le genou).
Les femmes ont dû se battre
Le golfeur d’aujourd’hui s’habille autrement.
Les pantalons sont plus moulants. Ce qui limite les frottements pendant le swing. Le polo de golf a lui aussi profondément changé. Autrefois épais, parfois rigide, il est désormais plus léger, plus respirant. Il est devenu un vêtement de performance, pensé pour évacuer la transpiration et accompagner l’effort.
Au fil du temps, les femmes ont sans doute davantage évolué dans leur tenue sur les fairways, mais pour une bonne raison. Leur tenue de la fin du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle étaient contraintes et absolument pas pensées pour le sport. Elles portaient des robes longues, des corsets, parfois même des chapeaux volumineux.
Entre les années 1920 et 1950, les tenues ont commencé timidement à évoluer avec des robes raccourcies et des tissus plus légers. L’arrivée du pantalon au début des années 80 a été un tournant symbolique. Avec la médiatisation du sport féminin, la tenue des golfeuses est devenue un outil d’image. Les jupettes sont aussi apparues pour marquer une différence visuelle nette avec les hommes.
Une évolution, mais des lignes rouges restent
Mais le port du jean reste souvent la ligne rouge. Il incarne tout ce que le golf a longtemps cherché à distinguer de lui-même : la banalité, l’absence de rituel, la rupture avec la tradition. En regardant certains joueurs du LIV Golf évoluer en bermuda, le passionné de golf et de ses traditions peut aussi ressentir comme une certaine gêne. Longtemps toléré uniquement chez les amateurs ou dans des contextes estivaux très précis, le port du bermuda entraîne une perte de la solennité du jeu (sauf peut-être dans le golf féminin).
Demandez aux pros de France et de Navarre ce qu’ils en pensent : souvent, l’élégance fait aussi partie de leurs devoirs (qu’il soit joueur sur les circuits professionnels ou enseignants) et le bermuda rompt brutalement ce « récit », notamment chez les hommes.
Alors oui, on peut sourire ou râler (c’est selon) devant l’interdiction du jean ou l’obsession du col bien en place. Mais ces détails ont une vertu rare dans le sport moderne : ils nous obligent à nous habiller différemment, à comprendre que le golf n’est pas tout à fait un sport comme les autres. C’est peut-être même pour cela qu’on l’aime.
Photo : Josh Chadwick / GETTY IMAGES ASIAPAC / Getty Images via AFP









