On poursuit notre série des questions autour de l’histoire du golf, de ses traditions, de ses termes et de ses règles avec un troisième opus. Pourquoi les trous de golf sont des par 3, 4 ou 5 ? Une petite lecture vous permettra d’en savoir plus et peut-être de briller au club-house auprès de vos amis qui se poseront cette question existentielle pour un golfeur.
Si vous avez déjà arpenté un parcours de golf en vous demandant pourquoi vous devez défier uniquement des trous estampillés par 3, par 4 et par 5, rassurez-vous : ce n’est pas parce que les Écossais ont secrètement divisé le monde en trois catégories, ou parce qu’il existe une loi physique interdisant les par 6. Non, c’est simplement le fruit d’une longue histoire, un peu foutraque, parfois improvisée, mais finalement logique.
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Remontons en Écosse, au XVIIIᵉ siècle, époque où les golfeurs portent des culottes bouffants et jouent avec des balles en plumes de duvet. À cette époque, la notion de par n’existait pas : chaque trou possède seulement une distance et une topographie plus ou moins capricieuse. Le score ? On additionne les coups et le but est évidemment d’en frapper le moins possible pour finir le trou. Point final.
Un trou pouvait aussi bien faire 100 mètres que 600 mètres. L’important, c’était de le terminer avant la tombée de la nuit…
L’apparition du “bogey score”
Vers la fin du XIXᵉ siècle, les clubs britanniques commencent à classifier leurs trous avec un indice de performance : le bogey score. Le terme vient d’un personnage imaginaire, le Bogey Man. Le Bogey Man (ou Bogle, ou Bogey) est une créature inventée pour faire peur aux enfants, l’équivalent anglais du croque-mitaine. Lors d’une partie célèbre au Great Yarmouth & Caister Golf Club (Angleterre), en 1890, un officier aurait dit en plaisantant :
We are playing against the Bogey Man today!
Aujourd’hui, nous jouons contre le Bogey Man !
Parce qu’il fallait un adversaire imaginaire contre lequel mesurer son score, on a donc utilisé ce personnage fictif, insaisissable… exactement comme dans la chanson.
Mais ce bogey score, donc, n’est pas encore le par : il représente le score « idéal » d’un bon joueur amateur, pas celui d’un joueur expert.
Les golfeurs professionnels ayant un ego proportionnel à la longueur de leurs drives, ils ne pouvaient décemment pas accepter la même référence que les amateurs. Le terme par s’impose donc un peu plus tard : c’est désormais le nombre théorique de coups pour un joueur d’élite.
Et pour que tout soit simple (et comparable entre parcours), les architectes classent les trous selon le nombre de coups nécessaires pour atteindre le green :
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Par 3 → green atteignable en un coup
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Par 4 → green atteignable en deux coups
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Par 5 → green atteignable en trois coups
Ce modèle s’appuie aussi sur les distances réellement jouables avec le matériel de l’époque : des clubs en bois, des fers lourds, et des balles à l’aérodynamisme douteux. Atteindre un par 5 en deux coups était alors hautement improbable, même avec les muscles d’un Bryson DeChambeau.
Le mot par en lui-même n’a rien de mystérieux : il vient tout droit du vocabulaire boursier anglais du XIXᵉ siècle. Dans les journaux financiers de l’époque, « par value » désignait la valeur nominale, la valeur « idéale », « équilibrée » d’une action. Les golfeurs ont naturellement emprunté le terme pour désigner le score théorique parfait.
Un terme venu de la finance
Le premier usage documenté du terme dans un contexte golfique remonte à 1870, lorsque le journaliste et golfeur A. H. Doleman l’emploie pour évoquer ce que Young Tom Morris aurait dû théoriquement scorer lors du British Open s’il jouait « à valeur nominale ».
Il faut attendre 1911, lorsque l’United States Golf Association (USGA) publie ses premières lignes directrices fixant :
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des distances de référence pour déterminer le par d’un trou,
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et la notion qu’un golfeur idéal doit atteindre le green en 1, 2 ou 3 coups avant de putter.
C’est à ce moment que le “par” devient une mesure universelle, distincte du bogey score, déjà répandu en Grande-Bretagne.
Il reste une dernière question à élucider. En un siècle, les clubs ont pourtant évolué, les balles ont muté, les drives se sont allongés… Mais la structure du comptage des trous a résisté au progrès.
Pourquoi ?
Parce qu’elle procure un équilibre idéal entre stratégie, rythme de jeu et diversité architecturale. Rajoutez des pars 6, et les joueurs joueront des parties plus longues.
La structure des par 3 / par 4 / par 5 n’est donc ni une règle mystique, ni une décision scientifique. C’est le résultat d’une évolution pragmatique, façonnée par :
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les distances jouables des clubs d’autrefois,
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la volonté de comparer les performances des joueurs,
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et l’idée qu’un bon parcours doit proposer un mélange de trous courts, moyens et longs.
Photo : STUART FRANKLIN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP









