Le quatrième épisode de notre série d’articles consacrés à l’histoire du golf et à ses traditions pose cette question : mais pourquoi bon sang y a-t-il tous ces noms d’oiseaux dans le vocabulaire du golf ? Les termes birdies, les eagles et les albatros ont une explication historique née non pas d’une passion pour l’ornithologie de la part des ancêtres du golf, mais plutôt d’une petite phrase lancée par un amateur américain très content de son… coup.
Dans la plupart des sports, on marque des points. Au golf, on vole des coups si l’on peut dire. Depuis plus d’un siècle, les golfeurs parlent de birdies, d’eagles et même d’albatros pour décrire leur performance comptable favorable sur un trou (pour les bogeys, on a déjà tout expliqué ici). Pourquoi ces noms ? Qui donc a eu l’idée saugrenue (ou géniale, c’est selon) de confier le système de score à un ornithologue amateur ?
Tout commence au début du XXᵉ siècle, à Atlantic City, aux États-Unis. Un joueur amateur, Ab Smith, en pleine partie, joue le trou un coup en-dessous du par (le par, donc, déjà installé dans le lexique golfique, voir l’épisode précédent). Le joueur s’exclame alors, avec modestie : « That was a little bird of a shot. » Traduction approximative : « C’était un coup de petit oiseau » (ou plus proche de ce qu’il a voulu exprimer : « C’était juste un joli petit coup »).
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Voilà comment le birdie est né. Depuis, pour tout golfeur du monde entier, jouer un coup sous le par, c’est comme entendre un rossignol chanter sur le fairway : c’est un moment délicat, agréable et légèrement enjôleur. Cela évoque aussi légèreté et le plaisir discret. Un birdie donc.
That was a little bird of a shot
La passion des golfeurs pour les volatiles était donc lancée. Bientôt, il a fallu se pencher sur l’appellation pour deux coups joués sous le par. Place à l’eagle donc, l’aigle. Historiquement, le terme est apparu aux États-Unis dans les années 1920. Contrairement au birdie et Ab Smith, il s’agit là d’une invention lexicale collective pour désigner un score plus rare et plus prestigieux que le birdie. L’idée est simple : si le birdie est un petit oiseau, l’eagle est un rapace puissant et majestueux.
Et puisque ce sont les Britanniques (et les Écossais en particulier), c’est à eux qu’est revenu le dernier mot pour baptiser le score de -3 sous le par sur un trou. C’est dans les années 1930 au Royaume-Uni que l’on a utilisé pour la première fois le terme d’albatros (aux USA, on préfère encore aujourd’hui le terme de « double eagle »). Là encore, il s’agit d’une création collégiale, qui émane des autres « piafs » du jargon golfique.
L’albatros a été choisi pour traduire la rareté et la grandeur du coup : c’est un oiseau célèbre à travers la littérature notamment, capable de traverser des océans.
Le mythe du condor
La hiérarchie naturelle entre les oiseaux a donc rendu le vocabulaire du golf intuitif. Il paraît même que si vous parvenez un jour à scorer -4 sur un trou (la seule possibilité est donc de rentrer directement son coup de départ sur un par 5, ce qui est a priori impossible – a priori mais pas sûr), l’exploit aura pour nom celui d’un oiseau mythique : le condor.
Tout ça évidemment claque un peu plus, effectivement, que canard, corneille ou pigeon…
Avec ce vocabulaire animalier, le golf nous rappelle que même dans un sport où l’on calcule chaque coup, il y a de la place pour un peu de poésie, un peu de référence à la nature qui nous entoure sur un parcours, y compris sur cette maudite carte de score. Et puis quand sur certains trous, vous êtes loin du compte d’un nom d’oiseau, vous pouvez toujours prendre ça avec le sourire en vous disant que vous y avez juste laissé quelques plumes…
Photo : DAVID CANNON / David Cannon Collection / Getty Images via AFP









