
Ce sixième Amundi Evian Championship (10-13 juillet) peut être celui du grand déclic pour Pauline Roussin-Bouchard, qui n’a jamais brillé jusque-là en Haute-Savoie, se contentant d’une 38e place comme valeur étalon en cinq sorties. Gonflée à bloc après une série de très bons résultats sur le LPGA Tour, la Française peut également compter sur un public totalement acquis à sa cause.
Propos recueillis par Lionel VELLA
Pauline Roussin-Bouchard est arrivée ce dimanche à Evian dans la foulée d’une deuxième place obtenue la veille dans un ultra trail (ci-dessous) dans la vallée de Champsaur, dans les Hautes-Alpes (05). Une performance qui prouve que la golfeuse, qui vient de souffler ce 5 juillet ses 25 bougies, traverse une période faste. Confirmation entre jeudi et dimanche à Evian ?
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GOLF PLANETE : 10e au KPMG Women’s PGA Championship le 22 juin, 3e une semaine plus tard au Dow Championship. Vous débarquez à Evian sur une impressionnante dynamique…
Pauline ROUSSIN-BOUCHARD : C’est vrai. Mais ça fait un moment que je joue bien au golf. Tout se met bien en place. Déjà, il y a eu ce résultat à l’U.S. Women’s Open qui constituait alors ma meilleure perf’ en Majeur (28e). Mais tout a vraiment commencé au Mizuho Americas Open, à New York, début mai. J’avais très bien joué sans passer un bon week-end (47e). En fait, je me suis inspirée des garçons à l’U.S. Open.
G.P. : C’est-à-dire ?
PRB : C’est très dur ce qu’ils ont vécu. J’ai écouté pas mal d’interviewes pour m’en inspirer au niveau dynamique. Je me suis aussi appuyée sur un jeu qui était très bon. J’ai fait en sorte que les choses s’alignent. En toute simplicité. Je me suis autorisée à être simple dans une semaine de Majeur. Et en faisant les comptes à la fin, ça s’est super bien passé. J’ai même été choquée car je ne pensais pas que cela pouvait faire un top 10. Sur un parcours très compliqué.
Au KPMG, on a joué dans 50 km/h de vent avec des positions de drapeaux dans les coins où on était obligé de se recentrer. J’ai quand même tapé un fer 4 à 135 mètres. Cela ne m’arrive pas souvent. Mon fer 4 carry normalement à 185 mètres… C’était vraiment un beau cadeau de voir ce résultat à l’arrivée car je n’ai pas regardé les résultats de toute la semaine. Je ne connaissais pas le cut, je ne savais ce qui pouvait arriver. C’est finalement une belle récompense d’avoir choisi une certaine simplicité. Et j’ai enchaîné sur le Dow. Avec Manon (De Roey), on s’est dit qu’il fallait chacune faire un truc. On savait qu’on pouvait faire beaucoup de birdies. Bref, je compte amener tout ça à Evian.
G.P. : Est-ce la première fois que vous arrivez avec autant de confiance à Evian ?
PRB : (Longue interrogation) Je crois que j’avais fait un top 10 sur le Dow avant d’arriver sur Evian (Ndlr, 6e en 2022). On va dire que je suis la même Pauline mais je suis un peu plus mature (Ndlr, elle a soufflé ses 25 bougies le 5 juillet). Un peu plus mature en Majeur, ce qui ne veut pas dire que je ne ferai plus d’erreurs, mais il y en a certaines que je ne fais plus. En tout cas, je les accepte un peu plus tout en adoptant un certain type de jeu. Tout ça en étant entourée de mon caddie (Ndlr, le Sud-Africain Paul Keyser) avec qui je m’entends incroyablement bien. On forme un duo hyper performant. Je peux m’appuyer là-dessus comme un bouclier à pression. Surtout en semaine de Majeur. Beaucoup de choses sont différentes en effet avant d’arriver à Evian. La dynamique est bonne. Je vais faire de mon mieux pour poursuivre là-dessus tout l’été.
Le Chevron, ça a débloqué la machine. Je suis arrivée ensuite sur l’U.S. Open avec une grosse simplicité de process. Je me dis que plus c’est dur, plus ça doit être simple…
Pauline Roussin-Bouchard
G.P. : D’autant que vous êtes sur un sans-faute en Majeur cette saison. Trois cuts franchis sur trois. Cela aussi ça aide, non ?
PRB : Sur ce point, le Chevron a lancé un peu la dynamique. Cela faisait deux ans et quelques que je n’avais plus passé un cut dans un Majeur (Ndlr, depuis sa 53e place à Evian en 2023. Cut manqué au British 2023, à l’US Open 2024, à Evian 2024). Cela a été une première victoire. Après, on veut toujours aller plus vite que la lumière. Des fois, je me sens un peu en retard sur les résultats et sur mes attentes. Le Chevron, ça a débloqué la machine. Je suis arrivée ensuite sur l’U.S. Open avec une grosse simplicité de process. Je me dis que plus c’est dur, plus ça doit être simple… Je suis à la recherche de ça depuis quelques semaines. J’ai été très simple sur l’U.S. Open. En anglais, on dit : « Believing believe » Quelque chose qu’on ne peut pas trop traduire en français. Croire en croire ! Avoir un peu ce détachement, et les résultats arriveront. Avoir confiance en soi à 10 000 %, c’est ça !
G.P. : Evian, qu’est-ce que ça représente pour vous ?
PRB : C’est sûr que ce n’est pas une semaine banale. On joue devant un public français, on joue en France, on a des demandes médiatiques plus importantes qu’ailleurs. Au passage, on a toujours, nous les Françaises, un contrôle anti-dopage qui n’est jamais mis au bon moment. On a beaucoup plus d’yeux, de personnes, qui nous regardent. On a des attentes, on a des envies de bien faire, de faire le spectacle aussi. Parce que les gens qui viennent nous suivre à Evian ne nous voit pas le reste de l’année. A part à la TV. C’est donc une semaine particulière car on a beaucoup plus de choses à gérer, à accepter aussi. Il ne faut pas non plus se mettre des œillères et se dire que c’est comme d’habitude. Ce n’est pas comme d’habitude justement. Et ce n’est pas grave. Céline (Boutier) a prouvé que en gagnant, c’était possible de tout gérer. Avec une certaine sagesse et une maturité, c’est possible.
Je suis une joueuse qui s’exprime beaucoup sur le parcours, que ce soit avec de la colère, ou en mettant le feu à la scène entre guillemets.
Pauline Roussin-Bouchard
G.P. : C’est difficile d’être Française à Evian ?
PRB : Tous les yeux sont braqués sur nous. Je suis une joueuse qui s’exprime beaucoup sur le parcours, que ce soit avec de la colère, ou en mettant le feu à la scène entre guillemets. J’ai des routines qui acceptent d’intégrer l’expression des émotions. Quand on est aux Etats-Unis, les gens ne nous apportent pas beaucoup d’attention. Ils ne comprennent pas ce que l’on dit. Quand on arrive en France, il faut faire attention à ce que l’on dit (rires). En tout cas, moi, je fais attention (rires). Et puis surtout on entend ce qui se dit dans le public, on entend les commentaires. Et ça, c’est un petit travail supplémentaire à effectuer. Il faut justement se détacher un peu plus encore de ce qui se passe autour de nous.
G.P. : Cela peut-il être aussi une motivation supplémentaire ?
PRB : Sûrement ! Il y a ce sentiment de bien faire devant le public français. Sortir du parcours en compagnie des petits, des gens qui viennent vous solliciter, c’est juste magique. Le public français est toujours supporter. Et pourtant, je n’ai pas eu que des bons souvenirs à Evian. Plus de moins bons souvenirs que de bons d’ailleurs, niveau résultat (rires) Au-delà du résultat, on sent vraiment cette force, ces encouragements. A Evian, les gens sont vraiment bienveillants. Et c’est hyper agréable. Pour moi, plus y a de bruit, plus c’est fun. J’espère apporter un beau spectacle, tout étant détachée du résultat. Parce que ça ne dépend pas du résultat justement. Je travaille là-dessus. On peut être à +15 et toujours faire des trucs magiques, et entendre les gens dire : « C’est incroyable ». »
C’est un parcours qui continue à m’impressionner car en 15 ans d’expérience, je n’ai toujours pas réussi à trouver comment il fallait le jouer.
Pauline Roussin-Bouchard
G.P. : Vous êtes licenciée à l’Evian Resort Golf Club. On peut dire que Evian, c’est chez vous ?
PRB : Ah oui ! C’est chez moi. C’est mon club. Je suis membre à vie. C’est comme si j’étais à la maison. C’est le parcours sur lequel j’ai grandi, j’ai évolué… J’ai fait beaucoup de choses sur ce parcours.
G.P. : Et pourtant, en cinq départs à Evian en mode Majeur, votre meilleur résultat est une 38e place, en 2021. Vous étiez encore amateure d’ailleurs…
PRB : J’ai adopté beaucoup de stratégies différentes. Et franchement, il n’y a pas de vérité, pas de règle. C’est un parcours qui continue à m’impressionner car en 15 ans d’expérience, je n’ai toujours pas réussi à trouver comment il fallait le jouer (rires). J’ai beaucoup de souvenirs mais je n’ai toujours pas complètement trouvé la manière dont il fallait aborder ce parcours. Il a encore beaucoup de secrets pour moi… Mais ce n’est pas grave. On peut être très performante sur des parcours où l’on ne connait pas forcément tous les recoins. Des fois, c’est dur aussi de jouer des parcours que l’on connait par cœur…
G.P. : Quel est votre meilleur souvenir ici à Evian ?
PRB : (Sans hésiter) Les Haribo Kids Cup, en 2010, 2011 et 2012. Surtout parce qu’il y avait tellement de bonbons… Et je me souviens que je jouais guitar hero sur la Xbox, à côté du départ du 1, après ma partie je crois. Je jouais « Seven Nation Army ». Ce sont de très bons souvenirs.
G.P. : Et à Evian en mode Majeur ?
PRB : Mon premier Evian (en 2019), j’avais fini avant-dernière ou dernière je crois… Et l’année d’après (Ndlr, en 2021 puisque l’édition 2020 avait été annulée en raison du Covid-19), j’avais passé le cut. Et c’était pour moi une grosse victoire…
G.P. : Le plus mauvais souvenir ?
PRB : Sur chaque trou de ce parcours, je crois qu’il y en a au moins un (rires).
Photo : MILLEREAU Philippe / KMSP via AFP