
Malgré une quatrième victoire en Majeur, en l’espace seulement de trois ans, Scottie Scheffler veut rester un homme comme les autres, qui placera toujours le golf après sa foi et sa famille. Comme il l’a encore précisé dans sa conférence de presse d’après victoire ici à Portrush, il ne court pas après la célébrité. Bien au contraire.
Qu’est-ce que cela vous fait de remporter The Open et soulever la Claret Jug ?
Scottie SCHEFFLER : C’est un sentiment très particulier. Il a fallu beaucoup de travail pour arriver à tout cela. Ce fut une semaine difficile. C’était un véritable défi. Le parcours était vraiment difficile et j’ai dû me concentrer à fond tout au long du week-end. Le seul accroc des 36 derniers trous a été ce double bogey sur le 8 mais on a tout de suite réagi dès le trou suivant en faisant birdie au 9.
Je suppose que cette sensation est différente de celle du PGA Championship car j’avais une avance confortable au début de la journée. Au PGA, j’ai eu l’impression d’avoir un peu peiné sur les neuf premiers trous, mais j’ai réussi à attaquer et à gagner sur les neuf derniers, tandis que là, j’ai eu l’impression de creuser l’écart. Le score s’est un peu serré après le double au 8, mais comme je l’ai dit, j’ai rebondi au 9 et j’ai pu conserver une avance assez conséquente pendant la majeure partie de la journée.
Que peut-on ressentir quand on arrive sur le 18, qu’il faut remonter le fairway en sachant que la victoire est pour vous ?
S. S. : C’était vraiment cool. Pour être honnête, en remontant le 18, je ne savais pas vraiment si j’allais recevoir autant de soutien du public. Je pense que le public voulait que quelqu’un d’autre gagne cette semaine. J’ai joué un peu les trouble-fêtes, ce qui était aussi amusant. Mais l’accueil fut vraiment formidable. J’ai entendu beaucoup de supporters me soutenir aujourd’hui. C’était vraiment génial. Il y avait beaucoup de gens qui soutenaient les favoris locaux mais il y avait aussi des Américains qui sont venus nous encourager.
Mais pour répondre à votre question, cette sensation, c’est génial. Cela a demandé beaucoup de travail mais aussi beaucoup de patience. Il faut une concentration extrême sur les 72 trous d’un tournoi. C’était, je pense, l’une de mes meilleures performances mentales. Nous avons vraiment bien réussi à rester dans le coup toute la semaine. Ne commettre qu’une seule grosse erreur sur les 36 derniers trous d’un Majeur, c’est la clé pour remporter ce genre de tournoi. Cela demande une grande concentration. Teddy (Ndlr, Scott, son caddie) et moi avons fait du très bon travail ce week-end, en étant concentrés sur ce que nous faisions et en rentrant des putts clés quand j’en avais besoin.
Gagner un tournoi de golf ou accomplir quelque chose ne rend pas heureux. Ça ne l’est peut-être que quelques instants, peut-être quelques jours, mais au final, il y a bien plus dans la vie que de jouer au golf.
Scottie Scheffler
Qu’est-ce que cela vous fait de voir désormais votre nom sur la Claret Jug aux côtés de grands noms de ce sport ?
S. S. : J’ai travaillé toute ma vie pour devenir bon à ce jeu et en vivre. C’est l’une de mes plus grandes joies de concourir ici. Remporter l’Open britannique ici à Portrush est un sentiment difficile à décrire. J’ai beaucoup de chance de pouvoir venir ici et de réaliser mes rêves. J’ai grandi au Texas et je voulais devenir golfeur professionnel. J’ai vu des golfeurs professionnels comme Justin Leonard, Harrison Frazar, ce genre de gars à la télévision, en pantalon, et je me suis dit : « Je veux être comme eux. » Alors, j’ai porté un pantalon pour jouer au golf. Il faisait 38 degrés dehors, j’avais vraiment trop chaud. On se moquait de moi. Mais c’est ce que je voulais faire : devenir golfeur professionnel, alors je portais des pantalons.
C’est formidable de gagner The Open, mais au final, réussir dans la vie, que ce soit au golf, au travail ou ailleurs, ce n’est pas ce qui comble les désirs les plus profonds. Est-ce que j’en suis reconnaissant ? Est-ce que j’y prends du plaisir ? Oh mon Dieu, oui, c’est une sensation géniale. J’ai hâte de rentrer à la maison et de fêter cette victoire avec ceux qui m’ont soutenu tout au long de mon parcours. Mais au final, ça ne comble pas mes désirs les plus profonds. C’est difficile à décrire quand on ne l’a pas vécu. J’en ai parlé avec Shane (Lowry) cette semaine : gagner un tournoi de golf ou accomplir quelque chose ne rend pas heureux. Ça ne l’est peut-être que quelques instants, peut-être quelques jours, mais au final, il y a bien plus dans la vie que de jouer au golf.
Il y a un an encore, le seul point faible que l’on trouvait à votre jeu était votre putting, mais là, votre semaine a été une fois de plus sensationnelle avec le putter. Pouvez-vous nous dire à quel point vous êtes satisfait de votre putting et des changements que vous avez apportés depuis un an et demi ?
S. S. : J’ai l’impression d’avoir fait beaucoup de bon travail avec Phil (Kenyon) ces deux dernières années. Phil est un excellent partenaire avec qui je peux échanger. C’est à la fois un coach et un ami formidable. Ma frappe de balle n’était pas toujours optimale. J’avais l’impression d’avoir maîtrisé mon petit jeu, dès mon plus jeune âge, car j’étais petit en taille jusqu’à mon entrée en première, puis en terminale. J’ai grandi en étant bon au chipping et au putting.
J’ai vécu quelques années sur le Tour où je n’ai pas putté aussi bien que je le pensais. Il me fallait trouver les bons outils. Phil m’a aidé à être plus athlétique, m’apportant la confiance nécessaire pour me lancer et m’investir pleinement dans ce que je fais. Il y a deux ou trois, si j’avais eu une semaine comme la semaine dernière sur les greens (au Scottish Open), où j’avais justement l’impression de bien faire mes putts mais qu’ils n’entraient pas, j’aurais peut-être remis les choses en question ou essayé autre chose cette semaine.
On a eu une conversation lundi et mardi là-dessus avec Phil : « Comment t’es-tu senti la semaine dernière ? » Je lui ai répondu : « Bon sang, j’ai eu l’impression d’avoir plutôt bien joué. J’avais l’impression de bien frapper mes lignes, mais la balle n’entrait pas. La seule chose que je veux vérifier, c’est que ma position est bonne et que je suis bien aligné là où je pense être. » Phil a vérifié, et on a continué comme ça. A l’arrivée, j’ai bien putté cette semaine.
Je pense que Tiger est unique dans le monde du golf. Il a été une source d’inspiration pour moi quand j’étais jeune. C’est un gars très talentueux, une personne exceptionnelle.
Scottie Scheffler
1 197 jours ont séparé la première et la quatrième victoire de Tiger Woods en Majeur. C’est exactement la même chose pour vous, au jour près. Qu’est-ce que cela vous fait de savoir que l’on vous compare de plus en plus à lui ?
S. S. : Je trouve ça toujours un peu ridicule. Tiger a gagné… Combien déjà ? 15 tournois Majeurs ? C’est mon quatrième. Je n’en ai fait qu’un quart. Je pense que Tiger est unique dans le monde du golf. Il a été une source d’inspiration pour moi quand j’étais jeune. C’est un gars très talentueux, une personne exceptionnelle.
Pour être honnête, je ne me concentre pas sur ce genre de choses. Ce n’est pas ce qui me motive. Gagner des tournois ne m’intéresse pas. Je ne me dis pas, en début d’année, que je veux gagner un certain nombre de tournois, que je veux gagner quoi que ce soit. Je ne fais pas ça. J’ai des rêves et des aspirations, mais au final, quand je me lève pour m’entraîner, je sens que ce qui me motive, c’est simplement de sortir et de vivre mon rêve. Je joue au golf et je me sens appelé à le faire au mieux de mes capacités. Quand je me lève le matin, j’essaie de donner le maximum chaque jour quand je m’entraîne. Quand je prends un bain froid ou que je récupère, j’ai l’impression d’être appelé à donner le meilleur de moi-même. En dehors de ça, je n’accorde pas beaucoup d’importance à gagner des tournois. Je ne me concentre pas sur ce que je peux accomplir. L’important, c’est surtout de travailler dur et de participer à la compétition.
Désolé mais on a envie d’insister sur ce point. Les records battus, la course en tête, les grandes victoires, 120 semaines en tant que n°1 mondial… Jusqu’où pensez-vous aller ? Et est-ce que vous y pensez souvent ?
S. S. : Pas vraiment ! Je pense que j’ai toujours fait de mon mieux quand j’ai pu vivre l’instant présent. Je vous donne un exemple. Si j’arrive à Memphis (Ndlr, où aura lieu début août le premier des trois volets des playoffs de la FedEx Cup) en me disant que je suis le meilleur et que je n’ai pas besoin de m’entraîner pour être bon au golf, et que je rentre en me reposant sur mes exploits, je ne vais probablement pas passer une bonne semaine. Si j’arrive déprimé ou en repensant à mes mauvais départs de cette année, je ne serai probablement pas dans une bonne position non plus.
Personnellement, je compte toujours sur mes efforts. Dès que je pose le pied sur le premier tee, je me rappelle que je suis prêt et j’essaie simplement d’aller sur le terrain et de me battre. C’est tout ce sur quoi je me concentre. Je ne me concentre pas sur la victoire en tournoi. Je ne me concentre pas sur ce que je peux accomplir au golf. J’essaie simplement de donner le meilleur de moi-même chaque jour et de me battre autant que possible quand je suis en difficulté.
J’ai les mêmes amis que quand j’étais enfant. Je ne pense pas que je sois quelqu’un de spécial simplement parce que certaines semaines, je suis meilleur pour obtenir un score inférieur à celui des autres.
Scottie Scheffler
Vu de l’extérieur, il semble que l’une de vos grandes priorités soit de maintenir un semblant de vie de famille normale, de préserver votre vie privée, malgré le fait que vous soyez célèbre et riche. On voit beaucoup de gens, pas seulement dans le sport, mais aussi dans la musique ou dans tout autre domaine, lorsqu’on leur impose la célébrité, ne pas savoir comment s’y prendre, voire même ne pas savoir ce qu’ils doivent faire. Comment vous êtes-vous préparé à ce que vous vivez aujourd’hui ?
S. S. : Je dirais que mes plus grandes priorités sont ma foi et ma famille. Elles passent en premier pour moi. Le golf arrive en troisième position. Je le dis depuis longtemps, le golf n’est pas ma façon de m’identifier. Je ne m’identifie pas aux tournois gagnés, à la course aux trophées, à la célébrité, etc. Dans certains cercles, comme en ce moment, je suis le meilleur joueur du monde. Cette semaine, j’étais le meilleur joueur du monde. Je suis assis ici avec le trophée. On va tout recommencer à Memphis, on va revenir à égalité, et le spectacle continue. C’est difficile à décrire, parce que, oui, je ne me sens pas différent d’avoir gagné un tournoi de golf. Ce n’est pas la fin du monde pour moi, mais j’en suis extrêmement reconnaissant.
Je ne plaisante pas, j’ai travaillé depuis l’âge de deux ou trois ans pour avoir la chance de jouer au golf professionnel pour gagner ma vie, et maintenant j’ai pu gagner des tournois dans lesquels je rêvais de participer. C’est un sentiment incroyable, et je suis tellement reconnaissant de pouvoir vivre mes rêves. J’essaie de vivre une vie aussi normale que possible, car je me sens comme un homme normal. J’ai les mêmes amis que quand j’étais enfant. Je ne pense pas que je sois quelqu’un de spécial simplement parce que certaines semaines, je suis meilleur pour obtenir un score inférieur à celui des autres.
Vous voilà désormais avec trois victoires sur les quatre Majeurs. Avez-vous déjà l’esprit tourné vers l’U.S. Open l’an prochain et ce potentiel Grand Chelem en carrière ?
S. S. : Il y a encore quelques minutes, j’étais sur le parcours… C’est marrant car depuis que Rory a accompli ça cette année (Ndlr, le Grand Chelem en carrière), la question est dans toutes les têtes. Simplement parce que c’est un exploit historique dans le golf. Gagner les quatre Majeurs, c’est vraiment spécial. C’est assurément un accomplissement de carrière. Mais comme je l’ai dit, je ne me concentre pas trop sur ce genre de choses. Quand la saison se terminera, après la Ryder Cup, je rentrerai chez moi et j’évaluerai mon niveau de jeu et les points à améliorer. Puis je partirai de là. Je ne pense pas à gagner des tournois. Je regarde simplement mon travail et je réfléchis aux moyens de m’améliorer.
Photo : Stuart Kerr/R&A/R&A via Getty Images