
Interrogés durant le FedEx Open de France délocalisé cette année à St-Nom-la-Bretèche, les golfeurs français estiment que l’équipe européenne dirigée par Luke Donald a de très sérieuses chances de conserver le trophée glané à Rome le 1er octobre 2023 (photo). Plus que l’équipe emmenée par Keegan Bradley, il faudra surtout se méfier du public new-yorkais, réputé comme l’un des plus indisciplinés des Etats-Unis.
Lionel VELLA
A l’applaudimètre, l’Europe est clairement devant avant cette 45e Ryder Cup de l’histoire qui s’annonce ultra bouillante. C’est le constat que l’on a pu faire après avoir interrogé les principaux golfeurs français présents la semaine passée à St-Nom-la-Bretèche pour le 107e FedEx Open de France remporté par… l’Américain Michael Kim. Un signe ? On ne l’espère pas pour les Européens.
Sélectionnés dans l’équipe continentale lors de la Team Cup en janvier dernier à Abu Dhabi, Julien Guerrier, Matthieu Pavon et Antoine Rozner ont des avis convergents sur la question. Même si le Racingman affiche un peu plus de prudence, en pointant notamment le doigt sur ce public américain qui ne s’est pas toujours bien comporté avec les Européens dans un passé récent.
Les Américains sont chauds, ils aiment venir vous embêter sur le parcours. Si on s’énerve, ils ont envie que l’on s’énerve encore plus. Forcément, ça peut poser problème. Ils essaient de rentrer dans vos têtes.
Antoine Rozner
« Pour moi, ça va être du 50-50, souffle Rozner, qui évolue depuis cette saison essentiellement sur le PGA Tour. Le public n’a rien à voir avec ce que l’on peut rencontrer en Europe. Les Américains sont chauds, ils aiment venir vous embêter sur le parcours. Si on s’énerve, ils ont envie que l’on s’énerve encore plus. Forcément, ça peut poser problème. Ils essaient de rentrer dans vos têtes. Mais les Européens de la Ryder ont tellement l’habitude de ça depuis plusieurs années qu’ils s’en sortiront très bien je pense. »
« Les Européens ont de bonnes chances, affirme de son côté Julien Guerrier. Ce sont 12 super joueurs. Quasiment les mêmes qu’à Rome. Ils ont des supers souvenirs ensemble. Ils s’entendent super bien en dehors, et ça, ça joue. Au-delà d’être d’excellents golfeurs, ce sont aussi des bonnes personnes. C’est ce qui m’avait frappé à Abu Dhabi durant la Team Cup. A l’image de Rory (McIlroy). Lui, c’est le pilier, l’âme de l’équipe, c’est un mec super. Tout le monde a envie de l’imiter. »
« Je vois bien l’Europe s’imposer à Bethpage, annonce Matthieu Pavon, qui ne manquera aucun coup de cette Ryder Cup devant sa télévision. C’est une belle bande de copains. Le niveau golfique entre évidemment en jeu mais je pense que l’esprit a une vraie part à jouer. A ce niveau, l’équipe européenne est animée par une très bonne ambiance. »
Opération déstabilisation !
De passage en Europe avant de repartir chez lui aux Bahamas pour préparer la suite des Fall Series en octobre et novembre avec l’objectif de conserver son droit de jeu plein sur le PGA Tour en 2026, Victor Perez estime que la victoire se jouera sur des détails avec, une fois encore, ce public en toile de fond qui va tenter de déstabiliser les Européens, et ce dès les premières parties d’entraînement.
« Cela ça va se jouer à rien, mais ce sera, j’en suis persuadé, un grand spectacle, juge le Tarbais venu avec femme et enfant à St-Nom-la-Bretèche. Un favori ? Si c’était les mêmes équipes en Europe, l’Europe serait favorite. Mais là, ça se passe à l’extérieur. Le public va leur casser la tête dès le lundi. Ils ne vont pas attendre vendredi matin. C’est assez fatigant et ça va compter dans la balance. Après, l’équipe européenne a assez d’expérience pour ne pas se faire berner à la moindre bêtise. »
A mon avis, pour battre l’Europe, il va falloir sortir un sacré niveau de golf. Les Ricains ont du pain sur la planche.
Raphaël Jacquelin
La Ryder Cup, Raphaël Jacquelin connait. Il faisait partie du staff rapproché du capitaine Thomas Bjørn en 2018 au Golf National. Devenu coach de plusieurs golfeurs tricolores dont Jeong weon Ko, deuxième ex aequo à St-Nom-la-Bretèche, le Lyonnais nous délivre une expertise pertinente.
« Sur le papier et avec leurs récents résultats individuels, je les sens super bien les Européens, souligne-t-il doucement, impatient de vivre l’événement devant sa télévision en compagnie de son fils, Melvil, « complètement à fond ». Je les sens très fort. Mais on sait aussi que ce sera très dur là-bas. Surtout avec le public. Cela peut être néanmoins à double tranchant. Il va évidemment pousser l’équipe US mais il faudra répondre très vite présent. A mon avis, pour battre l’Europe, il va falloir sortir un sacré niveau de golf. Les Ricains ont du pain sur la planche. Et la présence de 4 rookies dans leur équipe, c’est, je pense, plutôt bon pour l’Europe. Trop de rookies pour l’Europe à New York, ça n’aurait pas été possible. Quand tu n’as pas vécu une telle ambiance, tu ne sais pas comment te comporter, forcément. Cela peut être à quitte ou double. »
Adrien Saddier, au pub du 18 à St Andrews
Cette Ryder Cup, Adrien Saddier espère, lui, la vivre le dimanche, jour des parties de simples, au pub du 18 à… St Andrews – « une ambiance parait-il exceptionnelle » – puisqu’il sera arrivé en Ecosse pour préparer l’Alfred Dunhill Links Championship (2-5 octobre). « Pour moi, les Européens ont toutes leurs chances, lance le Haut-Savoyard. C’est la même équipe qu’à Rome. Ils se connaissent bien. Ils ont les automatismes pour les pairings. Ce qui est moins le cas côté US avec pas mal de rookies… Bref, ils ont une très grande chance de l’emporter. »
Ils vont avoir les genoux qui claquent, c’est sûr. Il ne faut pas croire, ils vont avoir peur, même si le public est avec eux.
Alexander Levy à propos des quatre rookies américains
Né en Californie, Alexander Levy ne manquera pour rien au monde cette Ryder Cup qu’il va « dévorer » devant sa TV. Tout en espérant que l’Europe s’impose en terre « hostile », il pointe surtout l’accent sur le comportement des quatre rookies américains : J.J. Spaun, Cameron Young, Ben Griffin et Russell Henley. « Ils vont avoir les genoux qui claquent, c’est sûr, prévient le quintuple vainqueur sur le Tour européen entre avril 2014 et avril 2018. Il ne faut pas croire, ils vont avoir peur, même si le public est avec eux. Moi, je fais confiance aux Européens pour gagner là-bas. Et puis pour Rory (McIlroy), battre les Américains chez eux, c’est son plus gros challenge à venir. S’il y parvient, ce serait l’année de sa carrière ! »
Crachats, insultes…
Ancien étudiant à Texas Tech, Clément Sordet connait parfaitement la mentalité américaine et, à ce titre, s’attend, comme ses compatriotes, à un environnement délétère durant ces trois jours de compétition. Tout en restant malgré tout optimiste.
« Honnêtement, les Européens ont une équipe de dingue, analyse-t-il. Sur le papier, l’équipe américaine, elle est folle aussi, mais elle fait moins rêver je trouve. Après, on joue chez eux. Et ça peut être horrible. Ils peuvent se faire cracher dessus, se faire insulter. Je vais regarder tout ça sur mon canapé. Mais j’espère qu’ils (les Européens) vont leur mettre la misère. On a une équipe beaucoup plus forte qu’eux. Et puis je trouve l’équipe européenne bien plus soudée que l’équipe américaine. »
Luke Donald est quelqu’un d’hyper smart, d’hyper droit. Il véhicule un beau discours et aussi une belle image. On peut parler ici de charisme.
Julien Guerrier
Julien Guerrier, en guise de conclusion, a envie d’ajouter le rôle primordial qu’aura Luke Donald ainsi que ses vice-capitaines dans cette quête de victoire hors d’Europe. Ce serait la première depuis le miracle de Medinah en 2012.
« Je l’ai vu, je l’ai ressenti à Abu Dhabi durant la Team Cup, témoigne le Rochelais. Luke Donald est quelqu’un d’hyper smart, d’hyper droit. Il véhicule un beau discours et aussi une belle image. On peut parler ici de charisme, sans aucun problème. Et puis il y a tous les vice-capitaines qui transmettent aussi toute leur expérience. Olazabal, McGinley, Francesco Molinari… Que des mecs super. Francesco, c’est un homme en or. Tous savent distiller les mots qu’il faut pour dédramatiser les choses, et de mettre aussi le feu quand il le faut. »
Photo : Alberto PIZZOLI / AFP