
A 34 ans, et pour sa deuxième participation à un U.S. Open, J.J. Spaun s’est offert la victoire grâce notamment à un dernier putt magique sur le green du 18 mais aussi grâce à une certaine adversité. Un long processus né durant ses vertes années où rien n’a été vraiment facile pour lui. Le succès n’en est que plus beau !
J.J., quelle journée incroyable, inoubliable même… D’où vous vient cette résilience ?
J.J. SPAUN : J’avais l’impression que, même si les choses allaient mal, j’essayais de m’investir pleinement dans chaque coup. J’ai fait ça toute ma vie. Je pense que la plus grande différence cette année a été d’y parvenir. Heureusement, j’ai puisé au plus profond de moi-même sur les neuf derniers trous, et les choses ont tourné en ma faveur, et nous voilà avec le trophée.
Comment ce rêve est-il né et que ressentez-vous là, maintenant ?
J.J.S : J’ai grandi en regardant le golf. Dès mon plus jeune âge, je voulais jouer au golf. J’adorais le golf. C’était une passion pour moi. J’ai toujours joué avec mes parents. Mais je n’étais pas vraiment préparé à devenir golfeur professionnel. Je n’ai pas été inscrit dans des académies. Je n’ai pas joué en AJGA (American Junior Golf Association). J’ai joué dans des tournois locaux. Et puis je me suis qualifié pour mon premier grand tournoi de l’USGA (United States Golf Association), l’U.S. Junior. Je l’ai fait deux fois, vers 16 et 17 ans. C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience de mon potentiel. J’ai continué à avancer, un pied devant l’autre. J’ai joué en junior, puis en universitaire. Je suis ensuite devenu professionnel, et maintenant me voilà avec le trophée de l’U.S. Open.
Je ne voulais pas faire quelque chose de stupide en essayant de protéger un trois putts ou quelque chose comme ça.
J.J. Spaun
Dans quel état d’esprit êtes-vous retourné sur le parcours après l’interruption de jeu de plus d’une heure trente dans ce dernier tour ?
J.J.S : J’avais l’impression d’avoir une chance. La même que j’avais de remporter l’U.S. Open dès le début de la journée. Bon, ça s’est vite envolé sur les premiers trous. Mais cette interruption de jeu a été la clé de ma victoire.
Pouvez-vous nous expliquer ce dernier putt sur le 18 ? Avez-vous bien lu la balle de Viktor (Hovland) avant vous ? Et saviez-vous que si ce putt rentrait, vous seriez champion ?
J.J.S : Je n’ai pas regardé le leaderboard. Je savais, d’après ce que disait le public, que si je faisais deux putts, j’aurais probablement gagné, mais je ne voulais pas regarder, car je voulais rester sur la défensive. Je ne savais pas si j’avais deux coups d’avance. Je ne voulais pas faire quelque chose de stupide en essayant de protéger un trois putts ou quelque chose comme ça.
Viktor m’a beaucoup aidé. Sa balle était à quelques centimètres à gauche de ma ligne de putt. C’est assez drôle comme situation parce que pour ma première victoire sur le PGA Tour, il s’est produit presque la même chose au Valero (Texas Open), mais Scott Stallings était dans un bunker au dernier trou. Ma balle se trouvait sur la bordure arrière (du bunker), et j’ai dû littéralement la marquer pour qu’il puisse frapper son coup depuis le bunker. Et il a fait pareil. Sa balle était sur ma ligne et il l’a envoyée directement dans le trou. Un coup de plus de 12 mètres je crois…
En arrivant sur 18, j’ai repensé à ce moment. Le même scénario était en train de se répéter. Avec Viktor, on avait la même trajectoire. J’étais plus concentré sur la force avec laquelle il allait frapper sa balle. J’avais en tête la trajectoire qu’il fallait prendre mais j’ai eu le sentiment qu’il avait frappé un peu fort… Avec la pluie, je savais que ce serait un peu plus lent sur le green. Et ça a marché. J’étais sous le choc, incrédule quelque part qu’elle soit rentrée. Et que tout était fini.
J’ai toujours lutté contre tout pour arriver là où je devais être et obtenir ce que je voulais.
J.J. Spaun
Vous avez souvent évoqué vos expériences difficiles cette saison, ce que cela vous a apporté en termes d’adversité. Quelles leçons en avez-vous tirées ? Et cela vous a-t-il aidé à franchir la ligne d’arrivée en tête aujourd’hui ?
J.J.S : J’avais l’impression que j’étais abonné à ce genre de situation, et que ça n’allait jamais tourner en ma faveur. Mais c’est vrai que toutes les situations difficiles que j’ai vécues sur le PGA Tour cette année ont été une excellente expérience. Cela m’a appris à ne jamais abandonner.
Je déjeunais dernièrement avec Max Homa à la maison. On habite dans le même quartier. On est dans le même club. Il racontait une anecdote sur Tiger (Woods) : « Tant que tu es encore dans le coup, tu n’as pas à faire de folies, surtout à l’U.S. Open. » Il disait : « Tiger a dit que ça arriverait, que le vent tournerait, mais il faut rester là. Même si tu es à quatre coups, tu n’as pas à faire de folies. »
J’y pensais un peu cet après-midi. J’étais à quatre coups derrière, j’ai fait quelques bons pars, rien d’exceptionnel. Et puis j’ai fait un très bon birdie. Et je me suis retrouvé à égalité en tête (avant son birdie à la sortie du 17). En fait, il faut juste essayer de rester sur la bonne dynamique, sans faire de folies, surtout à l’U.S. Open. Et tout ça s’est finalement vérifié.
Vous avez déclaré à l’issue de votre play-off perdu au Players que le golf devait rester le golf, mais que le plus important était de rentrer chez vous auprès de Melody (sa femme), de vos filles. Dans quelle mesure cela a-t-il joué un rôle dans ce qui s’est passé aujourd’hui ?
J.J.S : Je pense que quand on commence à avoir des attentes et que cela ajoute de la pression, on ne veut pas avoir cette pression supplémentaire. On peut pourtant y arriver facilement en laissant son esprit vagabonder. Et si ça se passe comme ça ? Si je fais ça, que se passe-t-il ? Je faisais ça tout le temps. Du genre, si je gagne, je peux accéder au Masters. Si je fais ça, j’assure ma carte pour deux ans, etc.
J’ai commencé à me dire que ma carrière, c’était ma carrière, et que si ça devait arriver, ça arriverait. Je suis simplement heureux d’avoir eu la carrière que j’ai eue. Ça m’a enlevé beaucoup de pression par rapport aux attentes sur le parcours de golf.
L’année dernière, en juin, j’étais sur le point de perdre mon job, et c’est là où je me suis dit : « Si c’est comme ça que je dois m’en sortir, autant y aller à fond. » C’est un peu comme ça que mon entraîneur me parle de mes coups de golf ou de mon swing sur le parcours. S’il y a un coup difficile, il me dit : « Au moins, tu y vas en t’engageant. » « Ne te laisse pas faire parce que tu es mal à l’aise, lâche-toi et balance tout ce que tu as. » « Autant y aller comme tu veux, et si ça ne marche pas, ça ne marche pas. » C’est un peu mon mantra depuis le début de l’année.
Pouvez-vous nous parler du travail que vous avez accompli pour arriver là où vous vous trouvez désormais ?
J.J.S : Je pense que c’est juste une question de persévérance. J’ai toujours lutté contre tout pour arriver là où je devais être et obtenir ce que je voulais. J’ai eu des baisses de régime à tous les niveaux. Je me suis toujours dit : « Tu as déjà fait ça. Tu as déjà connu des moments difficiles. Tu t’en es sorti. » Il y a une sorte de schéma. J’espère ne plus jamais le reproduire.
Photo : Jeff Haynes / USGA