Aux portes du PGA Tour cette semaine du côté de Dubaï où se joue la finale de la Race, Martin Couvra, issu du Challenge Tour 2024, réalise une saison en tout point remarquable. Son entraîneur, Mathieu Santerre, nous aide à mieux connaître celui que l’on présente comme le digne successeur de Victor Dubuisson.
Lionel VELLA
Passé professionnel en septembre 2023 après une solide carrière amateure, promu via le Challenge Tour (désormais baptisé HotelPlanner Tour) sur le DP World Tour en novembre de l’année suivante, Martin Couvra est peut-être sur le point d’intégrer le PGA Tour en 2026. Pour cela, l’Azuréen âgé seulement de 22 ans doit « performer », comme disent les golfeurs, cette semaine au DP World Tour Championship, ultime tournoi du calendrier 2024-25 du DP World Tour regroupant les 50 meilleurs joueurs de la saison.
16e de la Race avec 1 926,15 points, le Français, ultra précoce, victorieux le 11 mai au Turkish Airlines Open, à son 15e départ au plus haut niveau, occupe la première place non « qualificative » pour le circuit US. Il n’accuse néanmoins que 134,97 points de retard sur l’Anglais Jordan Smith, dernier « qualifié » pour le moment.
Il est à bloc, hyper motivé. Il a pris de la confiance sur le tournoi à Abu Dhabi.
Mathieu Santerre, son entraîneur
Pour valider son billet pour le plus relevé des circuits professionnels, il se doit de finir dimanche en fin de journée sur le Earth Course du Jumeirah Golf Estates au minimum dans le top 10. Un top 5 lui assurerait à coup sûr le grand voyage.
23e et meilleur tricolore le week-end passé à l’Abu Dhabi HSBC Championship, premier des deux tournois des Playoffs du DP World Tour, Martin Couvra surfe actuellement sur une bonne dynamique. Il a ainsi passé cinq de ses six derniers cuts sur le Tour mais n’est pas parvenu durant cette période à accrocher le moindre top 10.
« Il est à bloc, hyper motivé, nous rassure son coach depuis trois ans maintenant, Mathieu Santerre. Il a pris de la confiance sur le tournoi à Abu Dhabi. Pas mal de secteurs de jeu vont plutôt bien en ce moment. Il sent qu’il peut faire une très belle semaine. »
In his debut season on the DP World Tour, Martin Couvra became a first time winner and is currently 14th on the Race to Dubai Rankings.
— DP World Tour (@DPWorldTour) November 3, 2025
The top 10 (excluding those who already have status) after next week’s @dpwtc will earn themselves a @PGATOUR card for 2026.
As it stands,… pic.twitter.com/NQtHoQUnEL
« Mais il est aussi conscient de la différence entre la première et la deuxième partie de sa saison en termes de résultats, ajoute encore son entraineur. Il a fait 13e à Wentworth (au BMW PGA Championship) et 23e à Abu Dhabi, sur deux Rolex Series. Il fait 15e en Irlande aussi… Sur cette 2e partie, j’estime qu’il a plutôt bien négocié ces gros tournois. Ce qui lui a fait défaut, depuis le mois d’août, c’est qu’il putte moins bien que lors du premier semestre. Il y a eu beaucoup de différences dans la qualité et la vitesse des greens, semaine après semaine, sachant qu’il découvre quasiment tous les parcours cette année. Il a eu un peu plus de mal sur les greens (Ndlr, il affiche une moyenne de 1,79 putt par trou, ce qui le place à la 48e place au Tour européen). En étant moins performant mais en gardant son niveau de compétence sur le grand jeu, ça fait que ses meilleures places étaient aux alentours de la 15e place. Pas plus haut. »
Hausser son niveau de jeu au putting
« S’il veut faire partie de l’élite mondiale, il doit hausser son niveau de jeu dans ce compartiment, continue Mathieu Santerre. Pour l’instant, on n’y est pas. On a commencé à en parler de ça avec lui au Scottish Open. Je voulais faire entrer dans l’équipe Phil Kenyon, qui est le meilleur coach de putting au monde (Ndlr, coach de Scheffler, Rose, Cantlay, etc). Martin m’a fait confiance. On l’avait déjà vu une fois il y a deux ans, et là, il est allé le revoir suite à notre discussion après le Scottish et le British Open. Et on l’a revu à Wentworth. De nouveau la semaine dernière juste avant Abu Dhabi. Pour apporter toutes ses compétences mais aussi son expérience.»
« Martin, ce qu’il aime avec Phil, c’est lui poser des questions sur la façon dont s’entraîne Scottie Scheffler, Tommy Fleetwood… Il enregistre plein de choses et il veut savoir comment les meilleurs joueurs de notre époque travaillent pour grapiller des informations qui pourraient s’intégrer à son propre système et lui faire ainsi gagner des dixièmes de points par-ci, par-là. »
Neuf trous avec Fleetwood sur le Earth Course du Jumeirah
Pour mettre toutes les chances de son côté dans ce tournoi à 10 millions de dollars de dotation qu’il dispute pour la première fois, Martin Couvra est venu en reconnaissance la semaine précédent l’Abu Dhabi HSBC Championship. En compagnie de Mathieu Santerre, il a joué tous les jours le Earth Course. L’aller, le retour, emmagasinant une foultitude d’informations, notamment en ce qui concerne ces greens, présentés comme les plus rapides de la saison sur le DP World Tour.
« On a même joué le retour une fois avec Tommy Fleetwood, précise Mathieu Santerre, qui ne sera pas auprès de son « poulain » à Dubaï ces prochains jours. Martin, ce n’est pas quelqu’un qui a déjà fait 10 finales au Jumeirah, il ne connait pas encore la vitesse des greens en vigueur durant le tournoi. On lui a dit que ce serait une des semaines les plus rapides de l’année dans ce secteur de jeu. Il a donc repéré les trous où il aurait des opportunités, les drapeaux dangereux à attaquer, les emplacements plus piégeux, etc. C’est là-dessus qu’il travaille en amont du tournoi, jusqu’à jeudi matin, date de son premier tee time. »
L’objectif au 1er janvier 2025 n’était pas d’être dans les 10 premiers à la fin de la saison. Le premier objectif, c’était surtout de ne pas être spectateur, et d’être plutôt acteur.
Mathieu Santerre
Passer en deux ans de la deuxième division européenne au graal que vise tout golfeur pro, à savoir le PGA Tour, n’est-il pas trop dangereux ? N’est-ce pas un peu trop tôt pour un garçon, certes pétri de talent, dont le compteur sur le Tour européen affiche seulement 30 tournois ?
« En début de saison, on l’a sûrement évoqué mais ce n’était pas vraiment gravé dans le marbre, reconnait son coach, qui collabore également avec Adrien Saddier, présent lui aussi à la finale de la Race, Antoine Rozner, Romain Langasque, Clément Sordet, Maxence Giboudot et Paul Margolis. C’était quelque chose qu’il aimerait bien atteindre. Si cela arrive cette année, il serait super content. Mais l’objectif au 1er janvier 2025 n’était pas d’être dans les 10 premiers à la fin de la saison. Le premier objectif, c’était surtout de ne pas être spectateur, et d’être plutôt acteur. »
Sans le moindre complexe
« S’il était sur le DPWT, c’est qu’il avait le niveau pour s’y exprimer le mieux possible, juge Mathieu Santerre. Il l’a fait dès le début en signant plusieurs top 10. Il n’avait pas de complexe. On avait abordé ce sujet avec lui et Makis (Chamalidis, son préparateur mental). Sa dernière année en tant qu’amateur, quand il avait reçu quelques invitations sur le Challenge Tour, notamment dans les Emirats. Et il était un petit peu spectateur. En changeant de circuit, on a remis cette thématique sur la table pour le préparer au mieux afin qu’il soit dedans tout de suite. L’objectif était d’abord de garder sa carte, car ce n’est jamais évident quand on est rookie. Avec son bon début de saison, il a revu les objectifs à la hausse avec ces fameux dix spots pour le PGA Tour. »
Perfectible, on l’a compris dans le secteur du putting, Martin Couvra impressionne aussi et surtout par sa maturité ainsi que sa force mentale. Sans oublier ce besoin « insatiable », comme l’explique son coach, d’apprendre. Tout le temps !
Un être humain normal aura tendance à se tétaniser, à moins bien performer, Martin, au contraire, ça augmente son intensité, sa concentration.
Mathieu Santerre
« Martin, il apprend, il met en place, il ancre, et on passe à autre chose, décortique Mathieu Santerre. Les couches s’accumulent les unes sur les autres. On n’est pas à stagner sur une notion à laquelle il bute. On les consolide, au fil du temps. Comme la patience par exemple. Il n’a pas peur d’aller discuter avec d’autres joueurs. Avec ses ainés. Il a ainsi profité de l’expérience de Romain Langasque avec qui il s’entraîne quasiment tous les jours. Que ce soit dans des parties en compétition ou en dehors, Martin va s’intéresser, poser des questions afin de trouver des choses qui puissent l’aider à avancer vers ses objectifs. »
« Cet été, il a joué avec Åberg et Morikawa au Scottish, rappelle Santerre. Avec Koepka à l’Open d’Irlande et à l’Open de France… Il leur pose beaucoup de questions. Il avait aussi joué avec les frères Molinari juste avant à deux ou trois semaines d’intervalle. Il a posé beaucoup de questions sur la Ryder Cup, forcément. Sa qualité d’apprentissage est très importante. Son autre super pouvoir, il s’exalte au travers de l’enjeu. Un être humain normal aura tendance à se tétaniser, à moins bien performer, Martin, au contraire, ça augmente son intensité, sa concentration. Du coup, il performe mieux sous pression. »
Pas de pied à terre fixe aux Etats-Unis en 2026 s’il se qualifie
En cas de « qualification » comme ses prédécesseurs en 2023 et 2024, Matthieu Pavon et Antoine Rozner, qui étaient d’ailleurs moins bien classés que lui à la Race au moment d’aborder ce dernier virage, Martin Couvra ne s’installera pas aux Etats-Unis. Du moins la première année. Il fera comme Antoine Rozner par exemple en restant sur place dans des Airbnb quand il n’aura pas le temps de rentrer en Europe. En revanche, s’il réussit l’exploit de conserver sa carte à la fin de l’année 2026, il sera alors question d’emménager durablement là-bas. Et de rivaliser le plus longtemps possible avec les meilleurs mondiaux.
« Le PGA Tour, c’est là qu’il a envie d’être, conclut Mathieu Santerre. Et ce n’est pas une finalité pour lui. C’est juste un passage obligé dans le sens où il veut marquer des points mondiaux et grimper dans le classement mondial, il veut jouer tous les tournois du Grand Chelem, il veut être compétitif et gagner des tournois en Majeurs. Et ça, c’est extrêmement difficile d’y parvenir en restant sur le Tour européen. Il faut être dans les 50 meilleurs mondiaux, et il n’y a pas assez de points mondiaux distribués en Europe pour le faire de façon durable. »
« Donc, tout ça passe par les Etats-Unis. Il se frottera obligatoirement à une concurrence plus dense, sur des parcours différents, peut-être un peu plus standardisés mais avec des greens beaucoup plus fermes. Des roughs plus épais. Et c’est comme ça qu’il sera plus compétitif sur les tournois du Grand Chelem. C’est une des clés pour être compétitif dans les plus grands tournois de la planète, et c’est ce qu’il veut justement. »










