
Cinquième à Pinehurst l’an passé, Matthieu Pavon s’attend à souffrir cette semaine sur le redoutable tracé d’Oakmont, selon lui le parcours le plus difficile des Etats-Unis. Avec ceux du Memorial et de Bay Hill. En quête d’un premier vrai résultat de référence en 2025, le Français espère relancer la machine avec en point de mire, la Ryder Cup en septembre à Bethpage.
Propos recueillis par Lionel VELLA
On ne va pas se le cacher, Matthieu Pavon ne débarque pas à Oakmont, hôte du 125e U.S. Open de l’histoire, avec le plein de confiance. Le Français vient ainsi de manquer ses deux derniers cuts au Memorial Tournament et au RBC Canadian Open, où il a vécu un véritable cauchemar lors du 2e tour sur le trou n°10. C’est entre ces deux tournois qu’il nous a accordé en début de semaine dernière une interview exclusive. Pinehurst 2024, Quail Hollow au PGA Championship 2025, sa saison actuelle pour l’instant blanche, mais aussi la Ryder Cup dans un peu plus de quatre mois maintenant, le Bordelais joue cartes sur table.
GOLF PLANETE : Un an après, que vous reste-t-il de cette incroyable expérience et cette superbe cinquième place à Pinehurst ?
Matthieu PAVON : J’ai beaucoup de très bons souvenirs. C’est le genre de semaine où l’on aimerait que cela dure plus longtemps encore. Surtout quand elles se passent bien (rires). Ce fut un super test de golf. Et ce sera encore le cas cette année à Oakmont, où on devrait avoir le parcours le plus dur de l’année. Avec, une fois de plus, un champ de joueurs très relevé puisqu’on a la chance à un U.S. Open d’avoir des qualifications un peu partout dans le monde qui drainent les meilleurs joueurs de tous les Circuits. Pour moi, c’est donc le test de golf ultime !
G.P. : Est-ce que l’on peut dire que Pinehurst demeure votre plus grande émotion en Grand Chelem ?
M.P. : C’est sûr qu’il y avait eu beaucoup d’émotions car jouer la victoire dans un Majeur, c’est quelque chose dont je rêve depuis un long moment. Mais c’est vrai aussi que le Masters, quand on arrive le dimanche dans l’Amen Corner, quand on remonte le 18 et que c’est la fin de ce tournoi, c’est tout de même aussi très particulier pour moi.
Je baisse pas mal mon niveau d’exigence dans ce genre de tournoi. Car je sais que c’est un parcours qui est très difficile. Je sais que je vais faire des erreurs.
Matthieu Pavon
G.P. : Se prépare-t-on différemment quand on doit affronter, comme vous venez de le dire, ce test ultime que représente un U.S. Open ?
M.P. : Non, je ne le prépare pas différemment d’un autre tournoi du Grand Chelem. Après, ce qui est intéressant, c’est que je baisse pas mal mon niveau d’exigence dans ce genre de tournoi. Car je sais que c’est un parcours qui est très difficile. Je sais que je vais faire des erreurs. Du coup, pour ma part en tout cas, j’accepte plus facilement le coup manqué, ou l’erreur qui va arriver. Comme je l’ai dit, c’est tellement exigeant un U.S. Open que, quoiqu’il arrive, on aura du mal à éviter de faire ne serait-ce qu’une seule erreur.
G.P. : On peut dire que c’est le plus dur test que vous ayez eu à affronter depuis votre arrivée sur le PGA Tour l’an passé ?
M.P. : Oui même si pour moi, il y a quelques tournois qui se rapprochent d’un Majeur du calibre de l’U.S. Open. Je pense au Memorial (Tournament) avec une victoire la semaine dernière à -10 (le 1er juin). Avec un Scottie Scheffler, encore une fois, dantesque. Le cut après deux tours était à +5. On se retrouve ici dans des conditions très similaires à un U.S. Open. S’il n’avait pas plu le vendredi, ce qui avait rendu les greens un peu plus souples, il ne manquait rien en termes d’ingrédients pour que l’on soit dans un U.S. Open. Sans la pluie, on aurait certainement eu un cut à +6 ou +7. Je pense également à Bay Hall (Arnold Palmer Invitational). Là aussi, on est très proche de conditions d’un U.S. Open. Ce sont deux parcours taillés pour accueillir des Majeurs !
G.P. : Que pouvez-vous nous dire sur Oakmont ? Avez-vous pris des renseignements sur ce parcours avant de vous y rendre ?
M.P. : Non, pas grand-chose. Je sais que c’est un parcours très long. Avec un par 3 le plus long de l’histoire de l’U.S. Open. En parlant de difficulté, c’est un parcours où lors de la dernière visite de l’U.S. Open là-bas (en 2016), le cut avait été fixé aux alentours de +10. Ce sont les deux seules informations que je possède pour l’instant sur Oakmont. Je compte arriver là-bas juste après le RBC Canadian Open, dimanche soir ou lundi matin.
A Pinehurst l’an passé, j’avais un putting redoutable. Avant le dernier tour, où ça avait été un tout petit peu plus dur, j’étais deuxième au putting sur tout le champ. Ce n’était pas du tout le cas à Quail Hollow !
Matthieu Pavon
G.P. : Le niveau de jeu de Pinehurst l’an passé, l’avez-vous retrouvé à Quail Hollow lors du PGA Championship, notamment lors de ce 2e tour sans bogey qui vous avez permis de vous vous élancer en dernière partie le samedi ?
M.P. : Sur une semaine comme à Pinehurst l’an passé, j’avais un putting redoutable. Avant le dernier tour, où ça avait été un tout petit peu plus dur, j’étais deuxième au putting sur tout le champ. Ce n’était pas du tout le cas à Quail Hollow ! Après trois tours, et en étant toujours dans le top 10 du tournoi, c’était plus par le driving et le jeu de fers que j’avais fait la différence que par le putting. Je suis assez content de ça car c’est justement sur ces choses que je travaille en ce moment. Avoir un tee to green beaucoup plus fort. Et après, on attend toujours qu’il y ait cette fameuse semaine de putting exceptionnel pour pouvoir essayer de truster de meilleures places au leaderboard.
G.P. : Cette 41e place au PGA Championship est-elle malgré tout frustrante, notamment par rapport au jeu que vous avez produit lors des deux premiers tours ?
M.P. : Oui et non ! Dans une telle position, ce que je veux avant tout, c’est gagner le tournoi. C’est sûr que faire mieux à Quail Hollow, ça aurait été génial. Du fait de gagner plus de points pour mon classement. Mais… (Il s’arrête) J’ai, quoiqu’il arrive, mon exemption (jusqu’à fin 2026). Je voulais vraiment faire mieux qu’une cinquième place et améliorer mon meilleur résultat en Majeur et essayer de gagner le tournoi. Après, que je finisse 25e ou 40e, pour moi, il n’y a pas vraiment de grande différence. Quand je prends le départ d’un tournoi, c’est évidemment toujours dans l’idée de le gagner.
G.P. : Cette situation où les résultats probants tardent à se confirmer en 2025 vous pèse-t-elle à la longue ?
M.P. : C’est bien évidemment pesant. Ce qui est très difficile, c’est de jouer chaque semaine les tournois les plus durs du monde. Sur les parcours les plus durs et entouré des joueurs les plus redoutables. Chaque semaine, on joue des parcours comme le Memorial, comme Bay Hill, comme le Players, comme les Majeurs… Du coup, c’est très difficile de bien performer. C’est un peu frustrant. Mais très honnêtement, et j’en parlais encore avec mon caddie (Mark Sherwood), je suis capable de taper des coups qui sont bien meilleurs que l’année dernière. Même si les scores ne sont pas là, je prends plus de plaisir. Parce que je manque moins la face (du club).
L’an passé, je manquais énormément la face, je manquais énormément de contact, ce n’était pas agréable. Donc, voilà, ce sont des ajustements qui prennent un peu plus de temps. Je ne pense pas que ce soit vraiment dans le jeu en lui-même qu’il faut s’améliorer. Il faut juste retrouver un peu de confiance en soi. Ce qui me manque en ce moment, c’est trois à quatre semaines de très grosses performances au putting. Mon putting est assez régulier mais l’année dernière, j’ai eu quatre semaines où j’ai été dans le top 5 des tournois. Et cela ne s’est pas produit cette année !
Cela va être dur de jouer la Ryder Cup mais avec de très bons résultats sur les quatre, cinq tournois avant la Ryder Cup, on a encore une chance de la jouer.
Matthieu Pavon
G.P. : Ne pas disputer les Signature Events en 2026, ce serait un échec pour vous ?
M.P. : Non, ce serait dommage car ce sont les tournois les plus durs. Ce sont ces tournois que l’on a envie de jouer. Mais on n’est pas à l’abri de redémarrer très bien l’année prochaine. Et puis il reste cinq à six tournois avant les playoffs de la FedEx cette année, et on n’est donc pas à l’abri de réaliser de très bons résultats sur une courte période. Il suffit d’en gagner un et puis c’est reparti.
G.P. : Envisagez-vous déjà de jouer les tournois des Fall Series en septembre pour améliorer votre classement à la FedEx Cup ?
M.P. : Honnêtement, je n’ai aucune, mais alors aucune visibilité de ce qui va se passer après le mois d’août.
G.P. : Même pas le FedEx Open de France à St-Nom-la-Bretêche du 18 au 21 septembre ?
M.P. : (Rires) Très franchement, je n’en ai aucune idée.
G.P. : Fin janvier, vous aviez été particulièrement brillant à la Hero Cup avec l’équipe continentale. On parlait avec insistance de vous pour la Ryder Cup à Bethpage. Aujourd’hui, quelles sont vos chances de faire partie de l’équipe européenne qui va défier à New York les Etats-Unis du 26 au 28 septembre ?
M.P. : Elles sont minces mais, encore une fois, j’ai très bien joué l’année dernière. Je sais de quoi je suis capable. Et puis, je suis toujours dans le top 100 mondial. Il suffit de quelques bonnes semaines pour grappiller des points au classement, et ainsi montrer qu’on est en forme. Luke Donald, lors de la précédente Ryder Cup, avait scruté les pics de forme des joueurs sur les deux derniers mois avant la Ryder Cup… On sait que mathématiquement, cela va être dur de jouer la Ryder Cup mais avec de très bons résultats sur les quatre, cinq tournois avant la Ryder Cup, on a encore une chance de la jouer.
G.P. : On sait que le PGA Tour, c’est un peu un univers impitoyable où se faire des amis est toujours difficile. Vous sentez-vous à l’aise par rapport à cela ?
M.P. : J’arrive à me faire des amis. J’ai toujours rêvé des Etats-Unis, je m’y sens bien là-bas. Mais j’ai dû rentrer en Europe à peine trois à cinq semaines sur les deux dernières années. C’est sûr que ça me manque. Mais honnêtement, je souhaite à tout le monde de jouer le PGA Tour. Parce que c’est là où on se rend compte à quel point on touche le plus haut niveau de golf au monde. Tant qu’on n’a pas joué une saison complète sur le PGA Tour, tant qu’on n’a pas joué ces tournois Signature et ces Majeurs, on a du mal à réaliser la difficulté de la chose. Et surtout à quel point tous ces joueurs qui sont dans le top mondial sont d’excellents joueurs.
Photo : Maddie Meyer / PGA of America