Exalté, survolté par le public de Pinehurst, Bryson DeChambeau est allé conquérir une deuxième victoire dans un US Open malgré un dimanche difficile. Émigré sur le LIV Golf, le surpuissant Californien, surnommé le « scientifique » pour son attrait envers la physique, a reconquis le cœur des fans américains qu’il abonde de vidéos sur Youtube.
G.B.
Il a perdu des muscles, beaucoup de muscles. Il a perdu des fans aussi, quelques-uns. En partant sur le LIV Golf, Bryson DeChambeau a fait un choix qui rapporte (de l’argent) mais qui lui a coûté. Sa recherche de visibilité, son goût immodéré pour le show et surtout pour la compétition ont souffert de ce départ vers le circuit sans points mondiaux et sans vrai public. Ce ne sont pas les émotions que lui procurent son équipe des Crushers GC qui doivent le rassasier…
Mais on l’avait vu à Valhalla quand il a terminé deuxième du PGA Championship derrière Xander Schauffele, BDC sait encore comment chauffer la foule et envoyer des bombes à plus de 330 yards malgré un régime alimentaire bien différent aujourd’hui de sa période bodybuildée. Celui qu’on a surnommé le « mad scientist » (le scientifique fou) utilise toujours un set de fers de la même taille, il est toujours passionné de physique, matière dont il est diplômé niveau licence.
Après le 3e tour de l’US Open, il s’est lancé dans une drôle d’explication sur l’utilisation de l’eau salée pour déterminer la qualité d’une balle de golf. Parfois déroutant voire agaçant quand il étudie la pression atmosphérique de l’air avant de jouer un coup, il est avant tout un formidable joueur de golf.
Pour aller chercher ce deuxième Majeur à 30 ans, un nouvel US Open après sa victoire écrasante à Winged Foot en 2000, le natif de Modesto (une ville natale au nom qui ne lui va pas tout à fait comme un gant…) a encore une fois pu s’appuyer sur sa puissance de feu. Il a souffert le dernier jour, abandonnant un temps le leadership du tournoi à Rory McIlroy. C’est avec ses nerfs d’acier et sa rage de vaincre qu’il a obtenu le dernier mot. Son par sur le 72e trou est un par de champion.
THE BUNKER SHOT OF HIS CAREER!@b_dechambeau has this putt left to win the U.S. Open! pic.twitter.com/Vleb6k6PvO
— U.S. Open (@usopengolf) June 16, 2024
La voix de la sagesse
Comme il l’avait annoncé au début du tournoi, DeChambeau a aussi su faire preuve de sagesse dans sa stratégie, refusant d’agresser en permanence le piégeux parcours de Pinehurst. Il s’en est tenu à sa ligne de conduite à l’image de ce coup de fer au départ du 13 lors du 3e tour sur un par 4 de 336 mètres « agressable » pour lui. Cela lui a valu quelques quolibets de la foule, déçue de ne pas le voir empoigner son driver. Le showman s’est excusé. Le public s’en est amusé.
« J’aime jouer avec le public et le public me le rend bien, ils viennent me chercher sur le parcours, il y a un échange, j’adore, ça me motive à taper des bons coups », disait-il samedi soir.
Les fans me motivent à taper des bons coups
Si sa visibilité auprès de ses fans a baissé avec son éloignement du PGA Tour, Bryson reste un joueur attractif, qui fait venir un autre type de public vers le golf. Sa chaîne Youtube est le résumé de ce qu’est son personnage d’ « entertainer ». Elle compte 695 000 abonnés et ce chiffre ne cesse de progresser. Il y propose différents types de défis où il se met en scène. Comme celle-ci lorsqu’il se lance sur le parcours avec des clubs d’enfant.
C’est davantage divertissant qu’intéressant, mais à vous de juger.
Sur son compte Instagram (1,1 million d’abonnés), la ligne éditoriale est plus traditionnelle, plus égocentrique aussi mais c’est le jeu. L’homme Bryson DeChambeau, le vrai, est difficile à cerner. Discret sur sa vie privée (l’influenceuse joueuse Lilia Schneider est a priori sa petite amie), il est toujours entouré par un groupe d’amis. Ces « buddies » semblent tenir davantage un rôle d’accompagnateurs dans les pérégrinations golfiques de l’ex pensionnaire de la Southern Methodist University (Texas) que de vrais confidents.
Tant pis si tout ça semble parfois sonner un peu faux : ça marche. Son succès auprès du public cette semaine a été immense, malgré le procès qu’il a intenté au PGA Tour lors de son départ vers le LIV, malgré la détestation (passée ?) de ses pairs comme celle de Brooks Koepka, malgré sa « surcommunication ». Les « USA, USA » ont retenti souvent cette semaine après ses bons coups. On l’a même vu signer des autographes PENDANT ses parties. Une vraie star à l’américaine. Qui a indéniablement besoin d’être sur le devant de la scène pour s’épanouir. Et qui est aussi généreux et sait être proche de son public.
First birdie of the day from Bryson to re-take the lead.
And then a parade of high-fives! pic.twitter.com/XEAtf2oLat
— U.S. Open (@usopengolf) June 16, 2024
Un joueur, une technique et un matériel uniques
Mais Bryson De Chambeau est d’abord, on l’a dit, un joueur fantastique. Fantastique, atypique, unique. Il ne consomme plus 5 000 calories par jour comme en 2020 mais il envoie toujours des drives stratosphériques. Il joue toujours avec des fers qui ont tous la même taille. Il leur a d’ailleurs donné pour chacun d’entre eux un surnom…
“Thank you, Jackie Robinson.” pic.twitter.com/nqkUAA1dzX
— Masters Burner (@ANGC_burner) June 14, 2024
Sa technique de swing est également à nulle autre pareil, très loin d’être conventionnelle. Son chipping ? Bizarre, aussi. Son putting ? L’engin qu’il utilise (le Sik Pro C-Series Armlock) est à la limite de la régularité selon un caddie renommé qui s’est interrogé sur X. Le manche du putter est presque dans le même axe de la tête, ce qui n’est pas autorisé.
If I’m a player around the lead in the US Open I would ask the USGA to check the specs on this putter. The shaft has to lean away from head at least 10 https://t.co/BWb9aXSpyP sure looks vertical. Not being a dick or hate him at all but it is a rule. pic.twitter.com/wwRDQTm94A
— KIP HENLEY (@KipHenley) June 16, 2024
Sur ce sujet, on se doute bien que l’USGA a dû étudier la question de près. Les ustensiles utilisés par Bryson DeChambeau n’ont d’ailleurs pas toujours été conformes et ont été interdits par le passé. En 2017, son putting façon croquet avait été rapidement prohibé.
Sa victoire à Pinehurst, évidemment, ne souffre d’aucune contestation.
Et même si on aurait bien évidemment préféré voir Matthieu Pavon triompher, pour l’histoire et pour le bien de notre sport en France, même si la fin de la malédiction de Rory McIlroy en Majeur aurait été une très belle histoire, ce deuxième succès du 38e mondial dans un US Open est quand même réjouissante pour le golf. Parce qu’il ne laisse pas indifférent.
Parce que Bryson DeChambeau, c’est de la dynamique !
©Sean M. Haffey / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP