
Invité pendant presque une heure au podcast de Sam Harrop, bien connu des fans de golf pour ses compositions originales au piano, Mike Lorenzo-Vera, dans la foulée de son annonce il y a quelques jours de stopper sa carrière cet été à Crans-Montana, a abordé d’autres sujets parfois personnels, parfois plus généraux. Morceaux choisis.
C’est un Mike Lorenzo-Vera décontracté et clairement libéré d’un poids qui s’est livré – dans la langue de Shakespeare – durant plus de 50 minutes ce mercredi 30 avril lors du podcast « Sliced with Ben & Sam ».
Le Basque, comme il nous en avait donné la primeur il y a quelques jours dans un entretien exclusif, est une fois encore revenu sur sa décision de mettre un terme à sa carrière professionnelle à l’issue du prochain Omega European Masters (28-31 août) à Crans-Montana (Suisse).
Il s’est aussi longuement attardé sur certains moments « clés » de sa carrière.
Notamment deux coups qu’il aimerait bien pouvoir rejouer estimant qu’ils auraient pu changer du tout au tout sa vie de golfeur professionnel.
« Il y a deux coups que j’aimerais rejouer, a-t-il soufflé. Le deuxième sur le 18 au Qatar en 2019 (un par 5). Il s’agissait d’un coup de fer 3 avec de l’eau devant. Le drapeau était fond de green, serré à gauche. Et avec la tribune derrière. Je pensais que je devais faire trois pour gagner le tournoi, ou même pour avoir une chance d’aller en play-off. En fait, cinq aurait suffi. J’aurais dû frapper un hybride dans la tribune suivi d’un chip – putt facile. »
« Il y a aussi mon deuxième coup au 14 (par 5) à Crans Montana quand Matt Fitzpatrick gagne (en 2018). Nous sommes en tête et nous envoyons (notre mise en jeu) tous les deux dans les arbres à gauche parce qu’il y a un hors limite à droite. Là, Matt frappe un bois 5 au-dessus de l’eau. Moi, j’ai frappé un stinger (balle basse) sous les branches. Je la voyais mourir sur le drapeau, droit dessus. Mais on avait le soleil de face, et je n’entends personne applaudir. Je vois alors un arbitre courir derrière le green dans les arbres. Je vérifie le yardage, il semble être bon. La balle a finalement passé le trou (double bogey), et j’ai raté le play-off d’un point. Après ça, une personne de la télévision est venue me voir et m’a dit : « Regarde ce qui s’est passé. » La balle a en fait ricoché sur une pierre et elle a fusé. Ce n’était pas le moment. Trois ans avant, je perds mon père à Crans Montana. C’était donc le tournoi que je voulais gagner. »
Je vais avoir du mal à dire du mal de Keith Pelley et de Guy Kinnings (l’ancien et le nouveau Directeur général du DPWT) parce que je sais qu’il y a beaucoup de gens qui pensent qu’ils ont fait un boulot de merde
Mike Lorenzo-Vera
Après sa victoire en Italie sur le Challenge Tour, Mike Lorenzo-Vera a disputé 284 tournois du DP World Tour. Il a fini 24 fois dans un top 10, 5 fois dans un top 5. Mais sans avoir connu, on le répète, les joies indescriptibles de la victoire.
Durant cette période, il a pu assister à l’évolution prise par le Tour européen mais aussi à sa très nette vassalité au PGA Tour à partir du début des années 2020, au moment même où le Covid-19 a clairement bouleversé la donne.
« Je vais avoir du mal à dire du mal de Keith Pelley et de Guy Kinnings (l’ancien et le nouveau Directeur général du DPWT) parce que je sais qu’il y a beaucoup de gens qui pensent qu’ils ont fait un boulot de “merde”, souligne le Français. J’ai eu la chance de voir l’évolution du circuit depuis l’arrivée de Keith, c’était en 2015 je crois. Les Rolex Series ont été introduis, et nous n’avons jamais joué pour autant d’argent. »
« C’était un bon timing pour moi parce que c’est à cette période que j’ai très bien joué, poursuit-il. C’est donc plutôt difficile de se plaindre. Je pense aussi qu’ils ont fait un travail fantastique avec l’équipe de communication. Tout le contenu qu’ils ont créé était tellement plus attrayant que celui du PGA Tour. Quand le Covid est arrivé, ils ont fait ce qu’ils ont pu. Ils ont tout de même réussi à garder quelques tournois, à en payer certains pour que nous puissions continuer à jouer. Ils auraient pu dire que nous n’avions plus d’argent, et fermer, comme tant d’entreprises dans le monde à ce moment-là. »
« Ils ont continué à pousser, ils se sont mis dans une situation financière difficile, renchérit-il. Mais vous ne pouvez pas rivaliser financièrement avec le PGA Tour. Je pense qu’ils font tous du bon travail. Je crois vraiment que si un jour nous avons un bon pouvoir financier, il deviendra le Tour principal, un tour mondial. Je le crois vraiment parce que nous avons des connexions partout dans le monde. Nous savons comment nous organiser au Kenya, à Singapour, en Malaisie, en Corée… Partout ! Nous pouvons organiser des tournois partout. Et personne d’autre ne peut faire ça. »
Rendre hommage aux golfeurs français, passés et présents
Interrogé sur la santé du golf français au plus haut niveau, Mike Lorenzo-Vera a bien sûr évoqué la victoire de Matthieu Pavon l’an passé sur le PGA Tour, du côté de San Diego (Californie) au Farmers Insurance Open, mais il a aussi voulu rendre hommage aux « anciens », ceux qui ont justement pavé la voie à la génération actuelle.
« Je pense qu’on oublie tout ce que les autres ont fait, prévient-il. Je pense à Thomas (Levet), Greg Havret, Jeff Remésy, les deux Greg en fait, Havret et Bourdy, Raphaël Jacquelin, Jean Van de Velde, Victor Dubuisson, Alex Levy. J’en oublie certains, et je m’en excuse, mais nous avions déjà un bon groupe de gars qui ont eu de vraies victoires, qui se sont battus dans des tournois Majeurs. Même si ce fut plus rare. Mais nous avons beaucoup de victoires sur le Circuit. Sans oublier Matthieu (Pavon) donc, sur le PGA Tour… »
« Alors oui, je pense que les vieux ont fait le boulot pour faire croire aux jeunes qu’ils peuvent gagner. Matt (Pavon) a ouvert une porte très importante l’année dernière. Les Français peuvent désormais s’imposer sur le PGA Tour. J’espère que ça va continuer, avec Victor Perez par exemple. Que les gars vont aussi confirmer dans les Majeurs… »
« A ce titre, je pense que la Fédération (française de golf) a fait du très bon travail au cours des 6-7 dernières années en construisant une très bonne équipe autour des entraîneurs et en investissant de l’argent chez les jeunes. Mais il y a encore beaucoup à faire. On a pris une bien meilleure direction qu’avant. Cela fonctionne vraiment bien. Et je ne dis pas ça parce que mon frère (Franck) y travaille… (rires) »
Jamais un golfeur français n’a frappé la balle comme Rory. Jamais. Jamais un Français n’a eu le package que possède un Justin Rose
Mike Lorenzo-Vera
Apôtre du beau jeu, saupoudré d’un soupçon de panache, Mike Lorenzo-Vera a bien évidemment vibré lors du dernier Masters remporté par Rory McIlroy. Il a aussi tenu ici à rendre hommage à Justin Rose, battu en play-off par le Nord-Irlandais, tout en signalant le fossé qui existait encore entre ces joueurs d’exception et les meilleurs golfeurs français.
« Les gens se posent la question de savoir pourquoi la France n’a jamais gagné un Majeur (Ndlr, depuis Arnaud Massy au British Open en 1907). Mais jamais un golfeur français n’a frappé la balle comme Rory. Jamais. Jamais un Français n’a eu le package que possède un Justin (Rose). Du driving au putting. Jamais ! Ces gars-là sont des extraterrestres. J’étais donc très heureux pour Rory ! »
« J’aimerais revoir un jour Rory parce que j’ai vraiment besoin de lui poser des questions sur le coup qu’il a joué sur le 13 (le dimanche). Parce que je suis Français et que je pointe le côté négatif des choses ? Peut-être ! J’ai regardé ce coup il y a encore deux jours. Je me suis dit : « Comment cela a-t-il été possible ? » J’aimerais savoir, pas savoir ce qui s’est passé dans son swing ou quoi que ce soit, j’aimerais savoir ce qu’il a pensé, ce qui s’est passé là-haut (dans sa tête). Je sais que le lie n’était pas si facile. Avec le lie qu’il avait, si vous ralentissez un peu, la face du club se ferme et vous partez à gauche (dans la rivière). »
« Et puis ce coup au 17, s’extasie-t-il. Combien il y avait ? 195 yards (178 mètres) ? Fer huit, en montée. Regardez-le à nouveau et regardez où le drapeau se trouve. Il n’y a pas de vent, mais il y a un peu d’air. Dites-moi qui sur la planète frappe ce coup de golf ? Il doit y avoir trois ou quatre gars capables de le faire. Je pense que la meilleure chose qui lui soit arrivée a été de faire un double bogey (au 13). Puis il est de nouveau reparti dans la lutte… »
Ça va être difficile de gagner parce que je vais être tellement bourré toute la semaine. Ce sera une semaine de fête.
Mike Lorenzo-Vera
Pour finir sur une note encore plus festive et rafraichissante alors que Mike Lorenzo-Vera « vit » ses derniers mois en tant que golfeur pro, le duo lui a posé la question de savoir ce qu’il ferait si, rêvons un peu, il s’imposait fin août à l’Omega European Masters, dans les Alpes Suisses…
« Ouais, il n’y a aucune chance, s’exclame-t-il. Ça va être difficile de gagner parce que je vais être tellement bourré (sic) toute la semaine. Ce sera une semaine de fête. Mais je vais travailler beaucoup les mois précédents. Je vais vraiment essayer de profiter du moment… Les gars, je n’ai jamais gagné sur le circuit en 20 ans. Donc, si je gagne celui-ci, c’est vraiment que quelque chose d’étrange s’est produit. Mais je vais essayer. J’essaierai ! »