« Resort de golf » ? Pour les uns, c’est un mot presque vulgaire. Pour d’autres, ce serait la panacée. Enfin pour beaucoup, on ne sait pas de quoi on parle exactement. Avec une remarque importante : dans d’autres pays reconnus comme des destinations golf, on a fait le choix de ce développement économique qui implique un volontarisme financier, économique et promotionnel.
Chez nous, certains responsables du tourisme aimeraient bien que nos golfs, longtemps associatifs, prennent, comme leurs homologues étrangers, en Europe ou ailleurs, le virage décisif consistant à implanter dans des lieux bien choisis quelques structures golfiques complètes, ce qu’on appelle généralement des « resorts ». Or, on en trouve bien moins de dix en France comparables à la concurrence européenne.
Sur ce sujet, Laurent Boissonnas, président du Groupement des Entrepreneurs de Golf Français (GEGF) et patron de Resonance Golf Collection, nous a livré sa réflexion, pas très optimiste mais sans doute réaliste : la France n’est pas et ne ressemblera jamais à ce qu’on peut voir en Espagne ou au Portugal par exemple. Probablement parce que notre pays – première destination touristique au monde – a été et est encore aujourd’hui tellement gâtée par son environnement naturel que nos responsables publics pensent qu’il y a d’autres façons de développer le tourisme.
Certes, il existerait des investisseurs prêts à foncer dans un projet bien calibré mais la réglementation actuelle est devenue beaucoup trop contraignante – on l’a vu encore récemment en Sologne – et décourage les esprits les plus passionnés.
Pour Vincent Paris qui dirige, avec succès, un des rares resorts français dans le Médoc près de Bordeaux, le problème est d’abord culturel, comme souvent en France quand il s’agit de golf.
Quant à l’architecte français Michel Niedbala, tout en ne mésestimant pas les difficultés, il croit encore à la capacité de développer dans le futur ce type de structures, respectueuses des nouvelles tendances.
C’est en tout cas le sens de sa tribune que nous publions ci-dessous, qui nous invite à partager son optimisme et à y croire, encore et encore !
Le débat est ouvert.
Un dossier préparé par Denis et Roland Machenaud
En France, le golf n’est pas
un objet touristique
Golf Planète : Quelle est la relation entre golf et tourisme en France ?
Laurent Boissonnas : Chez nous en France, le golf n’est pas un objet touristique. Il ne l’a jamais été historiquement – les golfs étant quasi uniquement associatifs jusqu’au milieu des années 80 – et n’est qu’une réalité limitée dans ses développements récents. L’étude de 2017-2018 menée par la filière avec EY a montré qu’il y avait aujourd’hui 335 000 touristes golfiques par an en France, dont près de 85% de Français (donc moins de 50 000 étrangers) : ce qui reste très très bas comparé aux 90 millions d’entrées touristiques en France.
GP : Mais alors quel est l’avantage de construire un hôtel sur golf s’il n’y a pas de golfeurs pour y résider ?
LB : Un golf n’est pas identifié par les investisseurs comme le meilleur emplacement possible pour construire un hôtel. Or on en connait l’importance dans le succès d’un établissement hôtelier.
Les chiffres des exploitations dont je dispose vont dans ce sens. En France, aucun hôtel sur golf ou dans un resort est économiquement équilibré uniquement avec des golfeurs. Et la part des golfeurs dans leur mix clientèle – pour ceux travaillant vraiment cette cible – n’est jamais supérieur à la moitié, ce qui n’est à mon avis le cas de seulement quelques hôtels en France.
GP : Comment en est-on arrivé là ?
LB : Les trois points complémentaires que je souhaite vous livrer l’expliquent en bonne partie :
– D’abord et sans revenir sur l’attractivité de la France comme destination touristique, la France n’a jamais souhaité mettre ce produit en avant contrairement à d’autres destinations qui investissent des millions par an pour faire leur promotion auprès de golfeurs internationaux. On a déjà tellement de produits d’appels touristiques en France qu’engager de l’argent public dans ce domaine reste un problème, d’autant que l’image du golf reste clivante.
– Ensuite, il n’y a pas de parcours en France suffisamment réputés pour constituer un produit d’appel naturel (qui se vende tout seul) comme aux USA ou dans les îles britanniques avec ses parcours historiques qui accueillent des tournois du Grand Chelem
– Enfin, le tourisme français est un tourisme de territoires, d’art de vivre, de paysage, de culture avec une hôtellerie qui est traditionnellement plus tournée sur de l’hébergement de charme avec des capacités de taille intermédiaire et de la restauration « de qualité », qui n’est pas le bon calibrage pour le tourisme golfique qui – pour bien accueillir des groupes – doivent avoir 20 ou 30 chambres identiques (autant qu’il y a de group members) et des formules pension complète ou all inclusive. Ceci n’est pas compatible avec ce que les Français savent faire. En plus, les règles d’urbanisme ne nous aident pas !
GP : quelle est votre analyse de ce qui se passe à l’étranger, en dehors des pays traditionnels de golf ?
LB : L’Espagne, la Turquie ou le Portugal, pour ne citer qu’eux, ont eu un développement touristique « industriel » postérieur à celui de la France. Ils ont construit des golfs et des resorts au cœur des zones touristiques et des hôtels, souvent intégrés dans des développements immobiliers plus larges qui ne font jamais moins de 100 ou 150 chambres et où l’on trouve du service et des transports adaptés ainsi que des offres de restauration ad hoc. Investissements qui de plus, ont bénéficié de grandes campagnes de promotion financées par l’État. Et le tout à des tarifs très compétitifs notamment, mais pas que, en raison du coût du travail. Tout ceci n’est pas adapté à la réalité économique et sociale française.
L’Italie ressemble à la France et ne sera jamais une destination touristique pour les golfeurs, Ryder cup ou pas.
GP : Conclusion ?
LB : Les resorts golfiques sont aujourd’hui intégrés à des plans d’aménagement global des territoires pour leur développements touristiques : c’est ainsi dans les pays de l’Est, au Maroc, en Grèce etc.
En France, on n’est clairement pas là-dedans et on ne le sera jamais !
Le blocage est culturel alors qu’on a des structures existantes sur lesquelles s’appuyer
Golf Planète : quelle définition peut-on donner au mot « resort » ?
Vincent Paris : Un resort de golf est une structure touristique golf multi-services. Il doit réunir des fonctionnalités et des services variés autour de l’offre golfique : hébergements touristiques, salles de réunion, spa, immobilier résidentiel, activités indoor et outdoor, animations nocturnes…
GP : pourquoi existe– t- il si peu de véritables « resorts » en France ? Pourquoi l’offre est-elle si
réduite alors que notre pays est la première destination touristique au monde ?
VP : Culturellement les grands golfs français sont des structures privées non commerciales et malgré cela, l’offre de Golf Resort s’est élargie en France depuis plus de 20 ans. Ainsi sont nés et se sont développés : Evian Resort, Terre blanche, Le Frégate Provence, Golf du Médoc Resort, Les Vigiers, Domaine de Manville , Golf Barrière de la Baule et Golf Barrière de Deauville.
Par ailleurs, le tourisme golfique en France a connu une croissance, notamment depuis la généralisation des lignes aériennes low-cost permettant aux golfeurs de voyager à prix réduits.
Enfin, la concurrence venue d’Europe et d’Afrique du Nord est importante avec des destinations golfiques touristiques très dynamiques comme le sud de l’Espagne, l’Algarve, la Grèce ou le Maroc dans lesquelles la météo est beaucoup plus favorable, et ce toute l’année.
GP : comment faire pour que cela change ?
VP : Il est essentiel de disposer de parcours à vocation touristique de bonne qualité autour des Golfs Resorts afin de créer un phénomène de destination.
GP : Est-ce simplement une question financière ?
VP : Non. La question est surtout culturelle : la France est un grand pays de tourisme mais l’offre golfique n’est pas au cœur des priorités
GP : Voyez-vous des endroits en France où un « resort » pourrait trouver facilement sa place ?
VP : Oui. Au Pays Basque, autour de Biarritz, il manque, selon moi, un Grand Resort « Flagship » qui rendrait cette destination incontournable pour les touristes golfeurs.
GP : quel serait à votre avis le profil-type d’un « resort » à la française ? Avec une spécificité
propre qui le démarquerait des autres et lui conférerait une vraie plus-value…
VP : Ce serait un Golf Resort à taille humaine, avec au minimum 27 trous, une structure hôtelière 4/5 étoiles, une gastronomie locale très présente et le tout au cœur d’une destination touristique très identifiée.
GP : Il existe pourtant nombre de sites dans les secteurs économiques et agricoles en particulier, qui aimeraient bien trouver un partenaire, voire un repreneur. Ne serait-il pas judicieux de leur permettre de retrouver une nouvelle vie grâce à de nouvelles activités et de nouveaux emplois ?
VP : Il sera de plus en plus difficile et contraignant de mener en France un projet de construction de golf : cela peut prendre de 10 à 15 ans pour voir aboutir un projet d’envergure…quand celui-ci arrive à aller à son terme. C’est un élément à prendre à compte.
Je pense qu’il est plus légitime de s’appuyer sur des structures golfiques existantes pour les faire monter en gamme et les transformer en Golf Resort.
Frilosité, frilosité, frilosité…
Une tribune de Michel Niedbala, architecte de golf
La France est reconnue comme est un des géants du tourisme mondial et c’est également un pays de golfs et de golfeurs.
Paradoxalement, la France demeure malheureusement un nain dans le secteur du tourisme golfique. Pourtant l’offre semble déjà abondante…
Cependant, cette offre demeure par trop souvent mal structurée et d’une qualité beaucoup trop moyenne par rapport aux attentes des clientèles internationales.
Pour compléter ce constat, cette offre est soutenue par un marketing et une promotion aux abois.
Aujourd’hui, la très grande majorité des projets de Golfs et ou de Golf Resorts peinent à sortir de terre ou à se développer, pour diverses raisons :
– préparation trop succincte ;
– obstacles administratifs (très souvent) ;
– oppositions d’associations « écologistes » ;
– oppositions locales intéressées (politiquement le plus souvent) ;
– difficultés de financement.
Dans ce contexte, malheureusement, le paysage golfique français n’évolue plus et ne propose pas de grands Resorts de facture récente, alors que les touristes golfeurs et les golfeurs français sont par nature (de plus en plus) infidèles et en quête de nouveauté.
À cela, s’ajoute le vieillissement des structures existantes qui sont dépassées depuis de nombreuses années par les progrès des golfeurs, du matériel et de l’absence d’investissements pour améliorer l’offre, ou ne serait-ce que de la maintenir aux standards du jour…
L’épisode « Covid » a rebattu quasi radicalement les cartes du tourisme et des loisirs, qu’il soit hexagonal ou international.
Les voyages se déroulent déjà sur des distances plus réduites et pour des séjours plus
courts ; les individus en général recherchent la proximité géographique pour leurs loisirs ou leurs villégiatures.
Faciliter l’éclosion d’une véritable destination GOLF DE FRANCE !
Cette nouvelle orientation doit inciter tous les acteurs de la filière et au-delà à penser et à préparer une nouvelle stratégie de développement du golf.
Par exemple, le niveau d’accueil en Resort de 5 étoiles est l’exception en France. Les conditions d’accueil pour un tourisme haut de gamme ne sont pas réunies.
Plus généralement, les catégories d’hôtels sur nos golfs sont proposées en 3 et 4 étoiles, avec des capacités trop réduites qui ne permettent pas de travailler avec des tours opérateurs et/ou d’organiser des réunions (séminaires) d’entreprises…
N’oublions pas que les golfeurs seuls ne constituent pas une clientèle suffisante pour
faire vivre un hôtel !
Une programmation des équipements doit prendre en compte ces aspects, ce qui n’a pas été très souvent le cas par le passé même récent.
Avez-vous entendu ce slogan : « La montagne ça vous gagne »… ?
Le constat en montagne est plus amer : les loisirs sur 4 saisons à la montagne ne restent encore qu’un vœu pieux.
Le golf reste encore le grand absent des activités de loisirs offertes par la montagne.
Pourtant, le réchauffement climatique, les lits froids continuent à progresser et à enliser la montagne dans sa mono-industrie, sans qu’une véritable impulsion, au-delà des mots et des slogans, soit donnée pour inverser cette tendance.
Cette dernière situation résume et révèle de fait une vision à l’échelon national de nos politiques de développement, trop empruntée et trop timorée.
Quelle ambition viser pour cette filière ? Tout simplement celle de devenir visible sur le
marché européen du tourisme golfique et mondial.
Ce marché à forte valeur ajouté, est un segment économique trop peu exploité. Certains pays l’ont bel et bien compris depuis des années, et nous avons accumulé un retard conséquent par rapport à eux, mais non irrécupérable,
À condition de nous doter de volontés et de moyens facilitant l’éclosion d’une véritable destination GOLF DE FRANCE !
Michel Niedbala
À vous, fidèles lecteurs de Golf Planète, à entrer dans le débat et à nous faire part de vos réactions après ces prises de position sur la question des resorts de golf en France.
Contact : roland.machenaud@golfplanete.com
Photos : les golfs et GP