Tom Vaillant, 21 ans, est l’un des jeunes joueurs français à suivre cette année. Pas seulement parce qu’il est devenu Champion de France Professionnel ce printemps au Golf de Bordeaux-Médoc, avec à la clé le privilège de soulever le Trophée Jean Garaïalde devant la crème des golfeurs tricolores. Pro depuis six mois seulement, il a la tête bien faite et les pieds sur terre.
Interview réalisée à Cannes-Mougins par Daniel ORTELLI
Golf Planète avait planifié le rendez-vous à l’avance, il a eu lieu il y a un peu moins de quinze jours, après sa 45e place à l’Andalucia Challenge de Cadiz. Tom Vaillant a quitté le putting green de Cannes-Mougins et s’est installé à l’heure prévue dans le canapé du clubhouse où Martin Couvra était passé à la question quelques semaines plus tôt. Calme, serein, le jeune homme, trop tôt chef de famille, sait exactement ce qu’il veut réussir dans le golf, et comment il compte atteindre ses objectifs. Après vingt minutes d’entretien express, sans clichés, il est parti à la salle de gym pour continuer son programme du jour.
Golf Planète : Quel bilan tirez-vous de vos six premiers mois en tant que golfeur professionnel ?
Tom VAILLANT : J’aurais voulu faire mieux, mais ça se fait petit à petit. J’ai gagné le Championnat de France Professionnel où il y avait tous les gars du Tour européen. C’était la plus grosse victoire de ma carrière, et c’était important de montrer que je pouvais les battre. Sur le Challenge Tour, j’ai connu un peu tout. J’ai failli gagner très vite (en Afrique du Sud), et ces derniers temps c’était un peu plus laborieux. Mais j’ai trouvé les ressources pour faire des cuts et accrocher des Top 15, Top 20. J’aurai 22 ans en décembre. Je me forme, je ne suis pas précoce. Ça va venir petit à petit.
G.P. : Quelles ont été vos principaux motifs de satisfaction ces derniers mois ?
T.V. : J’ai eu beaucoup de tours très bas (sur le Challenge Tour), j’ai joué -7 en République tchèque le dernier jour pour accrocher le Top 15, j’étais -14 après deux jours en Afrique du Sud, en tête avec trois ou quatre coups d’avance. J’ai eu une invitation au Kenya, sur le DP World Tour, et j’ai fait -7 le dernier jour pour finir 30e, donc j’ai marqué des points. J’ai fait plein de tours très aboutis, qui se sont bien goupillés.
Je suis très homogène, je n’ai pas de point fort immense, donc je travaille tout. Ce qui me manque encore, c’est un peu de temps.
G.P. : Qu’est-ce qui vous manque encore pour gagner ?
T.V. : Pas grand-chose. Je suis très homogène, je n’ai pas de point fort immense, donc je travaille tout. Ce qui me manque encore, c’est un peu de temps. Je viens de passer pro, je suis le plus jeune du Challenge Tour avec Jean Bekirian (21 ans lui aussi). Il y a beaucoup de gens qui ont des attentes autour de nous, mais il faut qu’on aille à notre rythme. Je ne suis pas précoce, je me forme, je suis de plus en plus fort, et quand ce sera le moment de gagner, je gagnerai.
G.P. : Quel est votre programme et quels sont vos objectifs pour 2024 ?
T.V. : L’Open de Bretagne, puis le Vaudreuil Challenge… Il y aura ensuite l’Italie, les Iles Britanniques, que des manches du Challenge Tour. Le but c’est d’avoir le plus tôt possible ma pleine catégorie sur le circuit européen, mais il faut aussi avoir le niveau pour gagner, pour s’imposer. Si c’est pour redescendre tout de suite, ce n’est pas la peine. Les Jeux de 2024, c’est aussi un objectif, car je suis fan de sport, mais il va falloir que j’accélère énormément car les Français jouent extrêmement bien cette année. Il n’y aura que deux Français, les deux meilleurs au classement mondial à l’heure de la sélection. Ce sera dur de rattraper Victor Perez, Antoine Rozner et Romain Langasque en jouant sur le Challenge Tour, car on n’y marque pas beaucoup de points.
Un gars comme Jordan Spieth m’inspire car son jeu de fers est très bon. Il chippe très bien, il putte très bien, ça me parle.
G.P. : Quels sont les golfeurs qui vous ont marqué ou qui vous inspirent aujourd’hui ?
T.V. : J’admire beaucoup Ballesteros et Olazabal, pour leur attitude, leur comportement sur le terrain. Ce sont des exemples typiques de champions. Et Tiger Woods pour l’énormité de sa domination. En ce moment, j’aime bien Scottie Scheffler et Max Homa, qui sont très intenses à l’entraînement, dans leur manière de faire, et qui mettent beaucoup de volume dans leur jeu. Un gars comme Jordan Spieth m’inspire car son jeu de fers est très bon. Il chippe très bien, il putte très bien, ça me parle. Car je ne tape pas à 330 mètres comme Dustin Johnson…
G.P. : Quels ont été vos principaux entraîneurs, depuis le début ?
T.V. : Il y a d’abord eu Philippe Larvaron (Ndlr, présent auprès de Romain Langasque au dernier US Open), Fred Anger, Frank Bonnef et Eric Poujeol, à Saint Donat. ‘Fifi’ me connaît depuis que je suis né, il a été mon premier coach. Avec lui c’était d’abord le jeu, le score, le parcours, pas la technique. Il m’a fait grandir de 5 à 13 ans, puis je suis entré au Pôle Espoir d’Antibes, où j’ai été suivi par Cyril Gouyon, jusqu’à 16 ans. On jouait sur tous les parcours de la région. Puis je suis passé au Pôle France, avec Matthieu Santerre (Ndlr, le coach actuel de Martin Couvra et de Romain Langasque), de 16 à 18 ans. Depuis trois ans, c’est Jean-François Lucquin qui s’occupe de moi.
Tous les ans, c’est de plus en plus dur, de plus en plus fort, à la fois plus relevé et plus homogène.
G.P. : Est-ce que la formation à la française peut faire la différence par rapport à vos rivaux étrangers ?
T.V. : Pascal Grizot (le président de la FFGolf) est un excellent joueur de golf, donc il sait ce qu’il faut faire pour former de très bons joueurs. Il faut encore débloquer des choses, ça va se faire avec le temps, mais ça performe déjà très bien dans les équipes de France. Martin Couvra est dans l’élite des amateurs français, et il y a plein de jeunes qui jouent super bien à Cannes-Mougins, qui vient de remporter la Gounouilhou, comme par exemple Nicolas Muller.
G.P. : Comment voyez-vous l’avenir du golf professionnel, avec la fusion annoncée entre le PGA Tour et le LIV Golf ?
T.V. : Ce qui est certain, c’est qu’il y aura plus d’argent, donc ça va élever le niveau de jeu. Tant mieux. Tous les ans, c’est de plus en plus dur, de plus en plus fort, à la fois plus relevé et plus homogène. Les dix meilleurs du DP World Tour vont partir sur le PGA Tour mais dix autres vont arriver et pousser, avoir faim. Ce sera plus dur, car il y aura plus de concurrence à cause de l’accès possible au circuit US, avec l’appât du gain. Je pense qu’il y a un souci dans le classement mondial, car on ne marque pas assez de points sur le circuit européen. Je ne sais pas pourquoi, et ça ne me touche pas encore, mais une 10e place sur le DP World Tour rapporte moins qu’une 10e place sur le PGA Tour, donc c’est dur de monter dans la hiérarchie. Moi, je veux juste avoir le niveau de jeu pour gagner des tournois. Mon Majeur préféré, c’est le British Open. Pour moi, c’est le plus beau tournoi du monde, le plus beau tournoi à gagner. Mon but, c’est d’évoluer avec ces mecs-là et de jouer les quatre Majeurs tous les ans…
Photo : Tyrone Winfield/Sunshine Tour