LIV Golf Invitational Series

La guerre du golf(e) est déclarée

12 juin 2022

Sécessionnistes, traîtres, cupides… Les 48 golfeurs, qui ont achevé ce 11 juin le premier tournoi du LIV Golf, sont accusés de tous les maux par tous les mots. A tort ou à raison, ils ont participé à un événement historique qui bouleverse déjà l’ordre établi.

 

Ils auront au moins réussi une chose incroyable : faire passer le PGA Tour pour une aimable association caritative qui risque de disparaître diluée dans une pluie de dollars aux effluves de pétrole. Et pourtant, l’histoire du golf a montré que l’argent avait rarement une odeur…

 

De tout temps, les joueurs ont souhaité gagner plus

Des premiers professionnels de la fin du XIXe siècle, accusés par les amateurs (souvent aisés) de dénaturer le jeu, à Arnold Palmer puis Tiger Woods qui ont transformé la discipline en une entreprise de spectacle, l’argent a fini par régner en maître. Il a été, jusque-là, un facteur bénéfique pour le développement du golf.

 

Aujourd’hui, un Etat souhaite verser plus

Maintenant place aux excès. Aujourd’hui, c’est un hydre étatique (l’Arabie saoudite) à trois, quatre, cinq têtes (Greg Norman, Phil Mickelson, Dustin Johnson, Bryson DeChambeau, etc) qui tente de faire évoluer l’entreprise en une multinationale prospère, œuvrant pour son image. Ne nous cachons pas derrière notre pudibonderie ou notre amour du jeu. Il y a une réalité factuelle avec laquelle il faut composer : l’argent !

 

Le golf n’a pas attendu l’Arabie saoudite pour vendre son âme

Toutes autres considérations politiques relèvent tout de même de l’hypocrisie : de nombreux pays mis à l’index utilisent le golf à des fins de “diplomatie par le sport” (SportWashing) et plusieurs sponsors titre du PGA Tour ne sont pas pour ainsi dire des entreprises vertueuses.

Avant de faire chamelier seul, l’Arabie saoudite était en pourparlers avancés avec le DP World Tour qui pourrait d’ailleurs profiter de la situation

 

L’argent est le moteur du swing

Toute considération financière suscite un émoi compréhensible au regard de la situation dans le monde. Les sommes astronomiques sont mêmes, selon Pascal Grizot, irrespectueuses des traditions golfiques. Mais il faut bien comprendre que le golfeur professionnel est avant tout… professionnel, puis golfeur. Le golf est un métier, il n’est plus une passion. Contrairement à nous, pauvres amateurs !

 

Les golfeurs ont attendu l’Arabie saoudite pour vendre leur tradition

Le Sud-Africain Charl Schwartzel vient de remporter le premier tournoi de la ligue dissidente LIV Golf. L’ancien vainqueur du Masters (2011) n’avait plus gagné depuis 2016. Cette année là Schwartzel avait accumulé 2,9 millions de dollars de gains, sa plus grosse somme sur une saison. Au cours des 5 dernières saisons, en moyenne par tournoi le Sud-Af gagnait un peu plus de 65 000 dollars par tournoi.

Samedi le natif de Johannesburg a empoché le montant record de 4,75 millions de dollars (1er en individuel et 1er en équipe), soit le plus important gain de toute l’histoire du golf. Presque le double du montant du chèque reçu par le vainqueur du Masters 2022 Scottie Scheffler. Lors de sa victoire à Augusta en 2011 Schwartzel était reparti avec 1,44 million de dollars. 

Ca peut laisser rêveur, mais c’est surtout démesuré. Et que gagne-t-il d’autre ? C’est là où le mat blesse : tous ses camarades, désormais millionnaires potentiels, sont prêts à ne disputer aucun des tournois traditionnels qui ont nourri l’histoire du golf. Triste, terrible.

Si prompt à défendre les clubs de Premier League menacés par le projet de Super League de foot Lee Westwood est maintenant moqué à son tour pour sa cupidité. Idem pour son compatriote Ian Poulter soit disant attachés à l’histoire du foot européen.

 

 

Gagner plus pour disputer moins

Les plus titrés de ces renégats ne semblent plus accepter la compétition. Sous couvert du bien familial – plus d’argent et plus de temps à consacrer aux proches – ces têtes d’affiche partent pour empocher en moyenne 520 000 $ de gains par tournoi alors que la concurrence est bien moins rude, tant par la qualité que par la quantité des participants. Une retraite dorée on vous dit ! À se demander si le fait de risquer ne plus pouvoir disputer les Majeurs ou la Ryder Cup leur importe vraiment.

 

Le LIV Golf est un show, voire un cirque

Le LIV Golf propose – pour l’instant – une série d’exhibitions à l’enjeu sportif plus que discutable. 48 joueurs, tous invités, pas de cut, un gain de 120 000 dollars pour le plus mauvais d’entre eux Andy Ogletree, +24 sur trois tours et qui n’est pas parvenu à jouer moins de 75 à Londres.

On tend plutôt vers un show à l’américaine, où quelques super-héros ou super-vilains évoluent parmi quelques espoirs et beaucoup d’anciens et de sans-grades. Une petite armée cupide qui semble, non pas vouée à sauver le monde du golf mais bien à le détruire. 

Avec aussi peu d’arguments en faveur de l’équité sportive, il est peu probable que la demande adressée au comité en charge du classement mondial aboutisse tout de suite…

 

Un mal pour un bien ?

Voilà pour les critiques… Place désormais aux faits. Dustin Johnson, Mickelson, DeChambeau, Reed, Garcia, Westwood, Poulter et compagnie peuvent avoir les plus mauvaises raisons du monde, ils ont été les premiers à avoir forcé le golf mondial à se réinventer. En clair, cette intrusion disruptive ne serait-elle pas un mal pour un bien ?

 

Le public et les téléspectateurs ont un rôle à jouer

Il faut bien l’avouer, le golf professionnel gagnerait à être plus accessible à la télévision et plus lisible pour le commun des golfeurs. Est-ce trop demander de suivre dans un seul calendrier mondial, les tournois les plus importants ? De regarder gratuitement le golf sur nos écrans ? Allons-nous à l’encontre de l’esprit du golf en proposant des formules plus resserrées (shot-gun sur 3 tours) avec un habillage plus moderne ?

 

Le PGA Tour devra composer

Au-delà de la désaffection du public, d’éventuelles manifestations d’une association de victimes du 11 septembre lorsque la caravane du LIV Golf arrivera dans l’Oregon à la fin du mois de juin et la perte de sponsors (ce qui fait déjà beaucoup), que risquent les pros  ?

Tout n’est pas encore très clair au royaume du golf pro. Dès le premier coup de golf tapé, le PGA Tour a suspendu les “traitres” qui ne pourront plus s’aligner dans un tournoi du PGA Tour jusqu’à nouvel ordre. Ils sont même déclassés de la FedEx Cup ce lundi.

Concernant le DP World Tour le mystère demeure. Pour l’instant c’est le silence total du côté de Wentworth. Les 800 000 dollars remportés par le plus français des Basques espagnols Adrian Otaegui, lors de ce premier tournoi avec une 6e place, soit plus du double de son plus gros gain en carrière (347 000 euros en Turquie en 2018) vont lui permettre de voir venir…

Mais à pas encore 30 ans, il les aura en novembre, c’est quand même un peu tôt pour renoncer à marcher sur les traces de ses glorieux ainés (Seve Ballesteros, José Maria Olazabal) si une suspension se matérialise. 

Si cette saison, à l’instar de l’US Open, on voit mal les deux autres Majeurs suivre le pas du PGA Tour, le déroulement sportif de l’année prochaine demeure bien obscur. Quels seront les nouveaux critères de sélection et surtout d’invitation ? La bataille se situera-t-elle au niveau des tribunaux ? En clair, l’argent sera-t-il plus fort que le droit ? Le PGA Tour va devoir composer pour éviter de devenir, à terme, sinon un circuit satellite, au mieux un circuit tronqué.

 

Augusta en possible arbitre

Une fois encore les grandes instances qui organisent les 4 Majeurs (sans compter la Ryder Cup) auront leur mot à dire. Il sera surtout intéressant de voir la position d’Augusta en la matière. Dégagé des obligations statutaires internationales, régissant le Masters sur invitation et fort de son histoire, il peut imprimer une tendance : celle de la conciliation ou de la rupture. En attendant, la guerre du golf aura bien lieu…

 

 

©Getty/AFP/DR

 

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