Turn-be-rry, un nom qui résonne comme un mythe dans le monde du golf. Ce « pur links » situé sur la côte ouest de l’Ecosse, dans le district du South Ayrshire, à 100 kms au sud-ouest de Glasgow, est peut-être le plus beaux des parcours ayant déjà accueilli l’Open britannique. L’expérience golf y est unique, les souvenirs que l’on ramène de ces lieux magiques sont éternels…
Ces instants suspendus dans nos vies de golfeur, on les a tous connus, un peu, beaucoup, à la folie parfois. Un trou-en-un, une balle qui s’élève dans le bleu horizon, un chip qui rentre devant les copains…
Parfois, ce souvenir indélébile peut durer une poignée de secondes. Pour nous, lors de notre bienheureuse visite à Turnberry, ce moment de félicité a duré, duré. Plusieurs heures, quelques jours même. Mais allez, si on avait un long moment à bavarder avec vous sur les petits bonheurs impérissables que peut apporter une partie de golf, alors on vous parlerait de cette marche qui conduit du green du trou n°5, un par 5 sublime qui semble remonter vers la mer, au tee du trou n°6, un bijou de petit par 3 baptisé « Tapie Toorie », du nom d’une danse folklorique écossaise.
Une marche vers le paradis
A votre gauche, une vue à couper le souffle sur le Firth of Clyde, le plus grand estuaire des îles britanniques. Au large, on aperçoit, si la météo locale souvent capricieuse le veut bien (cela fait aussi partie des charmes du lieu), le mystérieux « Ailsa Craig », un petit îlot volcanique totalement inhabité qui a la particularité d’héberger le granit le plus dur et pur du monde (qui sert à fabriquer les pierres de… curling).
Plus au sud, on devine le « Mull of Kintyre », une péninsule dont le nom a été immortalisé par une chanson de Paul McCartney. Et puis deux fairways plus loin se dessine le célébrissime phare de Turnberry, l’emblème du parcours qui va vous accompagner pendant 7 trous, du 6 jusqu’au 14 (à l’exception du 13), pour une séquence de près de deux heures qui (si vous avez la chance de la vivre) restera à jamais gravée dans votre mémoire, quelles que soient vos scores. Ici, nul besoin de birdie pour être heureux…
Une fois les pièges de Tapie Torrie déjoués (une pente vertigineuse punie toutes les balles trop courtes de ce green minuscule), le par 5 du 7 et le par 4 du 8 vous conduisent vers le paradisiaque trou n°9, le trou signature de l’Ailsa Course, le parcours de championnat de Turnberry.
Du haut de ce phare…
Comme de nombreux trous du parcours créé en 1902 par l’architecte Will Fernie, ce 9th hole, le « Bruce’s Castle », a subi d’importantes rénovations à partir de 2016 sous le coup de crayon d’un autre architecte, Martin Ebert, qui a reçu un blanc-seing du nouveau propriétaire des lieux, Donald Trump, pour refaçonner un tracé menacé par l’érosion et par une forme de désuétude.
Ces extraordinaires transformations ont fait de l’Ailsa Course le links le plus spectaculaire de Grande-Bretagne, et c’est peu dire pourtant que la concurrence est rude. Elles ont fait du « Bruce’s Castle », un ex par 4, le par 3 le plus scénique du monde, sans doute. Les vestiges de l’ancien château du XIIIe siècle du roi d’Écosse, Robert The Bruce, sont visibles depuis les départs reculés placés à flanc de falaise.
Depuis ces “back tees” qu’on vous déconseille de jouer mais que les caddies vous enjoignent de rejoindre par un petit sentier magique, les balles doivent voler par-dessus la baie pour atteindre le green situé 248 yards (226 mètres) plus loin !
Sur la gauche du green trône le phare majestueux qui, lui aussi, à sa riche histoire. S’élevant à 24 mètres de haut et comptant 76 marches jusqu’au sommet, le phare Stevenson, du nom de son architecte dont le fils fut un écrivain célèbre, auteur entre autres du roman « L’île au trésor », surveille le littoral depuis 1873. Ses fondations se dressent dans ce qui était autrefois les douves du château. Depuis l’été 2016, il possède en son sein deux suites luxueuses souvent réservées plusieurs mois à l’avance par les clients de l’hôtel.
Ce « lightouse » offre une vue imprenable sur la mer d’Irlande jusqu’à l’île d’Arran. Du haut de ce phare, plus d’un siècle d’histoire de marins et de golfeurs vous contemplent…
Une fois saisi par l’émotion d’avoir joué ce par 3 au panorama exaltant et après avoir immortalisé votre visite par une séance photos et un café bien chaud au rez-de-chaussée du phare (les 10 minutes de pause et les clichés souvenirs sont OBLIGATOIRES), vous pouvez repartir vers un nouvel eldorado, le par 5 du 10 qui épouse la baie en un arc de cercle spectaculaire.
Un drive trop à gauche et c’est une plongée inévitable dans le Firth of Clyde. Mais une attaque de green précise peut aussi vous permettre d’envisager un birdie puisque le trou ne fait « que » 450 mètres des départs blancs. « Dinna Fouter » (que l’on pourrait traduire pas « on ne plaisante pas ») résume à lui seul ce qu’est Turnberry.
Un links où l’on côtoie l’enfer, puisque tous les accès aux fairways sont barrés par de nombreux « pot bunkers » placés diaboliquement. Mais aussi un parcours où l’on atteint vite le Nirvana, visuel et parfois sportif. Ici nul « blind shot » ou rebonds aléatoires sur les fairways, ou de trous démesurément longs. Le placement est essentiel, les lignes de jeu sont franches, les distances sont raisonnables.
Mythique “Duel in The Sun”
Ce n’est pas un hasard si c’est sur l’Ailsa Course qu’un champion de 59 ans et 9 mois est passé tout près de remporter l’Open britannique. Tom Watson, l’homme aux cinq « Claret Jugs », a triomphé à Turnberry en 1977 lors de l’une des éditions les plus célèbres du « British », le « duel au soleil » face à Jack Nicklaus.
Trente-deux ans plus tard, sur le tracé « new look », il ne lui a manqué qu’un coup pour gagner une 6e fois. Un putt de 3 mètres raté sur le 72e trou. Stewart Cink s’est ensuite envolé vers la victoire en play-off…
Luxe, golf et volupté
Depuis cette édition, Turnberry n’a plus accueilli l’Open. Le Royal & Ancient craint a priori trop de distractions autour du nom du propriétaire depuis les événements du Capitole suite à sa défaite aux élections américaines. Mais les atouts des lieux sont tellement nombreux que la situation pourrait évoluer. Car il y a le parcours, mais pas que.
Les installations sont rêvées pour accueillir un événement d’envergure et du public. Sur le « Trump Turnberry », il y a de la place, beaucoup de place. Le resort de 325 hectares possède entre autres, un autre parcours links 18 trous (le King Robert the Bruce, en images ci-dessous), un 9 trous (l’Arran Course), un pitch and putt (le Wee links), une académie de golf, une zone de petit jeu incroyablement « sexy », et pour ceux que le golf ne contente pas complètement un centre d’activités où il est possible de faire du tir à la carabine, du tir à l’arc, des balades à cheval, du padel, du quad, de la fauconnerie…
Un Hôtel comme on n’en fait plus
Et puis il y a l’hôtel, immense, qui domine le parcours et semble même veiller sur lui telle la statue du Christ rédempteur au sommet du Corcovado de Rio. D’époque édouardienne, le Station Hôtel a vu le jour en 1906. Son histoire agitée a connu des hauts et des bas mais la « Trump Organization » lui a redonné tout son prestige et surtout son luxe en 2014 avec une restauration à l’image des transformations apportées au parcours : du haut de gamme, entre élégance et opulence tout en conservant une touche de tradition écossaise subtile et indispensable. Ainsi, chaque soir, un bagpiper dans son costume traditionnel défile sur l’immense parvis du bâtiment en jouant de la cornemuse à l’heure du coucher du soleil. Frissons garantis, c’est superbe…
Drapeau, horloge et cornemuse, un décor so « scottish »
Évidemment les chambres, les quatre suites (qui portent le nom des quatre vainqueurs de « The Open » à Turnberry, Tom Watson, Nick Price, Greg Norman et Stewart Cink), le spa, les salles de restaurant, tout est à la fois somptueux et rempli d’un charme suranné, comme les moquettes ou les lustres de style baroque.
Pour se loger à plus bas prix et dans une ambiance plus sportive, on vous conseillera plutôt les lodges et les villas placés au pied du parcours, qui offrent de multiples avantages et diverses options, si vous venez à Turnberry entre amis ou en famille nombreuse.
Au réveil, à défaut d’avoir la vue panoramique à couper le souffle sur le parcours et la mer d’Irlande, vous pourrez admirer juste de l’autre côté de la « Maidens Road », le trou n°18 où le fantôme du putt de Tom Watson semble toujours errer, mais aussi un immense drapeau écossais qui flotte au grès du vent du Nord et une imposante horloge de style Seth Thomas haute de 6 mètres plantée au pied du club-house.
Vingt mètres sur votre droite, un autre trésor vous attend, la plus belle zone de petit jeu qu’il nous ait été donnée de voir.
Alors oui, le coût que représente ce pèlerinage est forcément élevé, et même très élevé. Mais si vous le pouvez, il s’impose, surtout si vous êtes un amoureux du jeu de golf, de son histoire, des links, de la beauté de la nature et de paysage si singulier.
Le Comté de l’Ayrshire est décidément une région bénie des dieux pour les golfeurs. Nous vous avions présenté il y a quelque temps ses atouts, à travers un périple qui nous avait menés de Dundonald à Prestwick. Turnberry est leur voisin de palier. Tout comme Troon qui va accueillir cet été l’Open britannique. Heureux Écossais. Heureux lecteurs de Golf Planète qui feront peut-être un jour un beau voyage après avoir lu ces lignes…
La vidéo Golf Planète
Informations pratiques
Les parcours
Ailsa Course, 7 489 yards (6 848 mètres), par 71
Green Fee de 285 à 475 pounds selon la saison (322 à 533 Euros)
ATTENTION en 2025 les tarifs non résidents passent à 1000 pounds !
Caddie à 75 pounds (87 Euros et le pourboire, compter 100 pounds, soit 116 Euros)
King Robert the Bruce Course, 7 203 yards (6 586 mètres), par 72
GF de 145 à 210 pounds selon la saison (169 à 245 Euros)
Les hébergements
https://www.trumphotels.com/turnberry/accommodation
Suite dans le phare Stevenson : à partir de 1 799 Pounds la nuit (2 096 Euros)
Suite hôtel des anciens vainqueurs de l’Open : à partir de 951 pounds la nuit (1 107 Euros)
Chambre single hôtel de 431 à 607 pounds (vue sur mer) soit de 502 à 708 Euros
Chambre double hôtel de 463 à 615 pounds soit de 539 à 716 Euros
Villas de 2 à 6 chambres (ou 3, 4 ou 5 chambres au choix), de 699 à 1 359 pounds (814 Euros à 1 583 Euros)
Cottages de 2 chambres, 590 pounds soit 687 Euros
Bon plan : package incluant 4 parcours, Ailsa, King Robert the Bruce, Prestwick et Troon, deux dîners et 4 nuits, total 2300 pounds soit 2670 Euros en villa, de 2 à 6 chambres (avril à septembre) – 1500 pounds (1741 Euros) d’octobre à mars
Cottages, package de 4 nuits, 1116 pounds par personne soit 1295 Euros (2 personnes par chambre)
Nos conseils
Plusieurs compagnies proposent des vols vers Glasgow, l’aéroport le plus proche (dont Air France, Easy jet, Transavia). Louer une voiture et tenter de passer une semaine pleine pour jouer l’Ailsa Course de Turnberry évidemment, mais aussi Prestwick, Dundonald, Western Gailes, tous ces parcours proposant des réservations en ligne (c’est a priori plus compliqué pour Troon cette année).
Le printemps est sans doute la saison qui offre la meilleure option qualité-prix. L’été est plus cher et plus fréquenté, l’automne et l’hiver sont plus risqués d’un point de vue météo. Mais le mauvais temps « fait partie de l’expérience links », comme disent les Britanniques.